Accréditation

Le Grand Témoin : Nathanaël Karmitz (MK2)

Pour ouvrir le bal de cette 8e édition du MIFC, Nathanaël Karmitz est intervenu en tant que grand témoin. Un entretien fleuve et passionnant mené par Gérald Duchaussoy. 

Nathanae L Karmitz

Dans un premier temps, Nathanaël Karmitz est revenu rapidement sur l’histoire de MK2. Une histoire démarrée en 1974 par son père, Marin Karmitz, avec l’ouverture d’un premier cinéma dans le quartier de Bastille pour sortir un peu le 7e art de son quartier latin habituel. Un lieu, avec déjà une librairie, dédié aux films rares qu’on ne pouvait/voulait pas voir. Tout a alors commencé avec un cycle de films boliviens révolutionnaires. C’est grâce à cette ouverture et cette culture que, de son côté, Nathanaël Karmitz a développé sa cinéphile, mais aussi parce qu’après son renvoi du collège, en 3e, ses parents l’ont obligé à voir des films. Une punition agréable qui selon l’intéressé à changer sa vie, lui qui a pris conscience assez jeune qu’il prendrait la relève de son père. Ce qu’il a fait en 2005. 

De cette histoire riche découle le présent de MK2 mené par une devise qui pourrait se résumer en 3 mots - Sélection, Altérité et Transmission - et en 3 activités - MK2 Films, MK2 Cinémas et MK2+. Une définition pour MK2 selon Nathanaël Karmitz : « Une maison d’auteur pour le cinéma mondial ». 

Gérald Duchaussoy a rapidement enchainé avec ce qui a été l’actualité la plus récente de la société, et celle qui a fait le plus parler pendant le confinement : le deal avec Netflix sur une cinquantaine d’oeuvres de patrimoine comprenant notamment des films de Godard ou de Truffaut. Une surprise de la part de celui qui disait encore récemment que Netflix était un danger pour le cinéma? Pas vraiment pour Nathanaël Karmitz : « Il y a deux ans, on avait vendu une centaine de films de catalogue à Amazon et ça n’avait ému personne. Je continue à penser que Netflix reste un danger et je reste très critique quant à ses méthodes notamment sur les algorithmes et une volonté vacillante sur le fait d’assurer la pérennité des oeuvres. Mais ce qui a changé, c’est la politique de Netflix, ce géant incontournable du web, envers le cinéma de patrimoine. Et ça je ne peux que m’en réjouir ». Loin d’un optimisme béat, le président du directoire de MK2 comprend bien que si Netflix a, notamment, signé cette entente non exclusive sur un an, c’est aussi parce que la plateforme a besoin de rentrer dans de nouvelles normes européennes (notamment la directive SMA) et est consciente de l’appétence assez exceptionnelle des Français pour le patrimoine. Reste que par cette vente, il l’affirme, il permet à MK2, de rester dans son rôle de promotion et de transmission du cinéma et espère que ceci pourra continuer et s’étendre, avec des prix raisonnables pour les ayant-droits et une volonté d’exposition de ces oeuvres. 

Ce deal, qui est devenu effectif pendant le confinement, a permis une transition naturelle vers cette crise sanitaire qui frappe de plein fouet le secteur. Sur ce point, Nathanaël Karmitz, conscient des difficultés et n’y échappant pas, préfère rester positif. Pour lui, la crise du cinéma est avant-tout américaine et nous donne l’occasion, en France, mais aussi en Europe, de repenser notre indépendance culturelle. Pour MK2, le confinement a été aussi l’occasion de lancé MK2 Curiosité, un service d’AVoD (Advertising video on demand) où il était possible de découvrir des cinq « bizzareries » gratuitement par semaine. Une réussite qui recommencera dès novembre et qui prouve, selon le fils de Marin, que l’envie de patrimoine doit venir de la curiosité et non des algorithmes. 

Pour l’avenir, Nathanaël Karmitz souhaite se renouveler dans la continuité. Dans ce cas précis, cela veut dire, poursuivre sur des offres innovantes, pleine d’audace, au risque de se planter, mais toujours dans une envie de rendre le cinéma attractif et de pouvoir s’insérer dans n’importe quel interstice exploitable. Une histoire dans l’ADN de la société qui avait en 2003 fait le pari de ressortir, en version restaurée et en grande pompe comme une nouveauté, Le Dictateur de Charlie Chaplin. Un vrai saut dans le vide à l’époque qui s’est soldé par un succès avec la clôture du Festival de Berlin et 350 000 entrées dans les salles françaises. 

Cette politique de ressorties des classiques, d’en faire des événements, MK2 ne l’a pas perdu. Il prévoit cette année, en novembre, un cycle Claude Chabrol « Suspense au féminin » avec cinq films dont La fleur du mal ou L’Enfer ainsi qu’une exposition et retrospective Abbas Kiarostami au Centre Pompidou à Paris dès avril 2021. Des choix de programmation et de restauration qui se font au feeling, à l’envie : « avec l’air du temps. On essaye, on ne comprend pas toujours pourquoi ça marche ou non mais on tente » explique-t-il.  

Et MK2 a tenté beaucoup de choses dans son histoire récente comme l’édition de DVD, de musique, la distribution, les restaurants… Tout n’a pas été un succès et la société a fait le choix de se recentrer sur ce qu’elle maitrisait le plus et de déléguer le reste en s’associant à d’autres entreprises du secteur (Carlotta, Potemkine…) dans une volonté de renforcement mutuel. Mais MK2 ne perd pas cette envie, ce désir de tentative et prévoit dans les mois et années à venir, de poursuivre dans son événementialisation du cinéma avec la continuité de Cinéma Paradiso, l’ouverture de l’Hôtel Paradiso (au MK2 Nation, 36 chambres équipées d’écran de 3m et une salle plein air sur le roof top) ou encore de réhabilité une malterie à Strasbourg en cinéma avec le concours des Cinémas Star gérés par Stéphane Libs. 

Par ailleurs, MK2 continue Trois Couleurs, son outil média. Un gratuit disponible dans les salles MK2 perçu par Nathanaël Karmitz comme un vecteur de promotion des oeuvres mais un lien avec les spectateurs et les distributeurs. Mais aussi MK2 Institut qui fait vivre la salle et les films autrement par le biais de conférences et de débat pour, comme le précise le président du directoire, « dans un monde en noir et blanc, convoquer de la matière grise ».  

Et, à 42 ans, Nathanaël Karmitz ne compte pas s’arrêter là et espère peut-être un jour ouvrir un cinéma dans toutes les grandes villes du monde pour être copier et permettre à un cinéma différent d’exister et d’être vu. 

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