Accréditation

Politiques de soutien en faveur du patrimoine cinématographique en Europe

Cet après-midi du jeudi 15 octobre était dédié à l’Europe. Pour ouvrir le bal, le journaliste de Viva Cinéma, Pierre Charpilloz, a discuté avec Maria Silvia Gatta, European Commission DG CNECT, Communications Networks, Content & Technology, I.3 Unit - Audiovisual Industry & media programmes. 

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La conseillère politique Mario Silvia Gatta venait faire le point sur la place du Patrimoine au sein de la Commission Européenne ainsi que les nouveaux objectifs de cette dernière à son sujet. Comme elle l’explique, le Patrimoine a longtemps occupé une place un peu ingrate dans les programmes entre un apport historique et culturel certain et un aspect quelque peu vétuste. Ce temps est révolu et la crise sanitaire a renforcé la volonté de la Commission de vouloir faire entrer le patrimoine dans une réelle modernité surtout depuis 2018, année du patrimoine européen. Alors qu’au coeur des politiques européennes court le besoin de l’innovation numérique mais aussi d’une nécessaire inclusion, le Patrimoine semble trouver sa place. Et c’est ce que compte montrer ses défenseurs au sein de la Commission.  

Grâce au programme Horizon 2020, l’accent va être mis notamment sur la numérisation des oeuvres là où jusqu’alors le programme MEDIA privilégiait les aides aux nouvelles productions. Au-delà de l’aspect préservation, cette initiative place le Patrimoine a un nouveau carrefour : culturel mais aussi technologique. Il devient un pont entre art et technologie, culture et économie. Car ce cinéma classique mis en avant a ainsi une valeur commerciale, peut-être vendu, peut circuler et être vu. Et les quelques initiatives existantes, dont le Festival Lumière et le MIFC font partis, montrent bien l’intérêt du public pour ce cinéma. Ce sont deux axes d’intervention, en cours de finalisation, que les partisans vont utiliser pour convaincre la Commission de l’importance du patrimoine : d’un côté son aspect promotionnel des valeurs et de l’histoire de l’Europe à travers la démonstration d’une culture européenne et son aspect éducatif et économique. La Commission soutient déjà plusieurs événements (le MIFC par exemple) mais aussi organisation (Europa Cinémas) pour la promotion de ce cinéma européen mais le travail actuel est aussi de diriger ces soutiens vers l’éducation à l’image qui devient une priorité. Et pour laquelle le cinéma de patrimoine est un outil essentiel. 

Dans un deuxième temps, Pierre Charpilloz a accueilli une table ronde particulièrement féminine puisque composée de Sandra Den Hamer, Présidente Association des cinémathèques européennes (ACE), Directrice EYE (Pays-Bas), Kamila Dorbach, Chargée de promotion Digital Poland Programme, Polish Film Institute (Pologne) et Edith Sepp, Directrice Estonian Film Institute (Estonie) avec à leur côté Laurent Cormier, Directeur de la Direction du patrimoine cinématographique au CNC (France). Dans cette table ronde organisée en partenariat avec l’EFAD - European Association of Film Agencies, il était exposé la place et l’accès au cinéma de patrimoine dans le cas de différents pays européens. Et le constat est clair : c’est différent pour tout le monde. 

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Edith Sepp, Estonie, a démarré en expliquant un cas tout à fait surprenant. Dans son pays, la cinémathèque/gouvernement détient l’ensemble des droits des films produits localement entre 1946 et 1991, soit pendant la Guerre Froide. Or cette ex-pays soviétique ne possèdent pas les copies originales qui sont stockées à Moscou! Pour y avoir accès et faire des restaurations ou des numérisations, ils doivent payer. Pour des raisons budgétaires, ce ne sont que 10 films qui ont été restaurés jusqu’à présent. Pour les autres films, une campagne de numérisation massive a été lancée en 2018 et s’achèvera en 2023. Pour l’instant 730 oeuvres ont été numérisées dans des états plus ou moins bons. Une collaboration avec la Russie, ou avec les autres états de l’ex bloc soviétique qui sont dans le même cas, n’a pas encore été envisagé. Mais le but sera de mettre à disposition gratuitement ces films pour le public estonien. 

En Pologne, un grand programme de restauration et de numérisation des films de patrimoine polonais a été lancé en 2008 par le Polish Film Institute, financé de manière peu régulière. Mais depuis une aide européenne obtenue en 2018, à hauteur de 78 millions (monnaie polonaise) le programme bat son plein. Déjà 160 longs métrages oeuvres ont été numérisés et bientôt ce sera le cas pour l’ensemble du cinéma polonais annonce Kamila Dorbach. A Varsovie, un grand building, comprenant notamment une cinémathèque digitalisée est en train de voir le jour. Elle servira aussi de centre de distribution pour les professionnels du patrimoine mais aussi aux plateformes type Netflix ou autre. Pour le moment, le but est d’amener ces oeuvres au public polonais via une plateforme VoD développée par le Polish Film Institute. L’objectif, dit Kamila Dorbach, avec le sourire, est d’attirer un nouveau public, plus jeune, de changer l’image du patrimoine et de le rendre cool. 

Laurent Cormier est revenu sur le cas français où le CNC subventionne et soutient les ayant-droits dans la restauration et la numérisation des oeuvres, avec, en échange, le droit d’utiliser un peu ces films à l’occasion de festivals. Depuis le lancement de cette subvention dédiée au patrimoine à hauteur 70 millions d’euros, 1 200 films ont été restaurés. Ils venaient tous de supports photochimiques et ont aussi été numérisés. L’aide au cinéma de patrimoine ne se limite pas selon lui à la restauration mais va jusqu’à la remise sur le marché : il y a ainsi des aides à la distribution, à l’édition DVD, à l’encodage sur plateforme mais aussi aux lieux dédiés comme les Cinémathèques, aux initiatives liée au patrimoine comme la plateforme La Cinétek ou aux événements à l’instar du festival Play it Again, organisé par l’ADRC ou à Lumière, par exemple. Cette subvention arrive à sa fin et désormais le CNC fait appel à des mécènes privés, entreprises ou particulier, pour aider à financer ces restaurations contre une déduction fiscale à hauteur de 60% (66% pour les particuliers). 

Dans un deuxième temps, plus prospectif, Laurent Cormier précisait également qu’il n’y avait pas vraiment de collaboration européenne, notamment au sein des EFAD, pour travailler ensemble sur les films de patrimoine. Il s’agissait selon lui davantage de collaborations spontanées et propose donc la création d’une commission permanente. 

Ce à quoi a répondu Sandra Den Hamer de manière un peu étonnée. Selon elle, ces collaborations existent déjà vraiment. Même si en effet, elles se font davantage du côtés des archives ACE plutôt qu’entre les EFAD. La présidente Association des cinémathèques européennes (ACE) souligne aussi les belles initiatives prises dans chaque pays pour amener un nouveau public vers le cinéma de patrimoine mais espère des aides, non plus nationales, mais européennes pour la numérisation. Bouclant ainsi la boucle avec Maria Silvia Gatta en introduction. 

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