Accréditation

Keynote du Grand témoin : Peter Becker

Tout n’est que storytelling. Si l’on devait expliquer la pensée du président de The Criterion Collection, cela pourrait se résumer ainsi à deux mots : narration et collectif. 

Comme tous les ans, le MIFC met en avant une personnalité du secteur et en cette année de célébration du DVD/Blu-Ray, le marché a choisi Peter Becker, président de The Criterion Collection, éditeur emblématique du cinéma de patrimoine. Et c’est en tête à tête avec Gérald Duchaussoy qu’il a raconté sa belle histoire. 

Cette belle histoire, c’est celle de The Criterion Collection, descendant direct de Janus Films, lancé en en 1956 par Cyrus Harvey et Bryant Haliday, deux étudiants passionnés de cinéma de patrimoine, et racheté en 1965 par William J. Becker, et Saul J. Turell. Fort d’un entrain de la cinéphilie aux Etats-Unis à ce moment-là, ces derniers ont, en 1984, décidé de lancer le label Criterion. Les deux premières sorties de celui-ci furent Citizen Kane et King Kong avec pour mission, qui restera celle de la marque, de partager et faire vivre le cinéma de patrimoine. Une mission transmise de pères en fils puisque les deux dirigeants actuels ne sont autres que Peter Becker, pour la partie plus éditoriale, et Jonathan Turell, pour la financière, même si, comme l’a assuré l’intéressé, aucune décision n’est prise sans un accord commun bicéphale. 

Ce sens du storytelling est essentiel chez Criterion. C’en est même le critère principal. Autant pour raconter l’histoire de cette entreprise aux allures familiales, que pour expliquer l’élaboration des publications. Car il s’agit bien de publication et non de distribution, Peter Becker refusant de voir sa société comme un « vendeur de DVD/Blu-Ray » mais comme un outil de transmission qui, notamment grâce à ses bonus (commentaires, documentaires…) qu’ils ont été les premiers à mettre réellement en place, permet de développer et enrichir l’univers du film et sa diffusion. Chaque oeuvre à une histoire à raconter que Criterion s’échine à trouver et à mettre en scène que ce soit dans la manière de composer ses coffrets ou dans le design de ses jaquettes. 

Pour raconter ces histoires, Criterion a deux armes selon Peter Becker : ses ressources et son public. Ses ressources tout d’abord, c’est un catalogue de prestige amorcé par Janus Films composé de chefs d’oeuvre du 7e art soigneusement choisis par les différentes générations passées par l’entreprise. Il incombe ainsi désormais, collectivement, à Peter et à Jonathan ainsi qu’à leurs équipes, de l’étoffer en prenant soin de combler certains manques, notamment auprès des cinéastes féminines et des cinémas de certaines régions un peu laissés de côté par le passé, mais aussi en mettant en avant des films récents qui, sans leur intervention, passeraient inaperçus outre-Atlantique comme Cold War de Pawel Pawlikowski ou La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino, pour n’en citer que deux. Et ceci avec un sens pointu de l’équité, Bergman n’étant pas mieux traité que Godzilla : « Chaque film est exemplaire dans son domaine. Et chacun d’entre eux a une histoire à raconter et c’est à nous de le montrer » précise Peter Becker, toujours prompt à la narration. Une collection riche désormais de plus d’un millier de titres soigneusement numérotés. L’autre grand axe de Criterion est donc son public. Pas si simple à cerner en réalité car particulièrement éparpillé : « Les films, ce n’est pas comme des chaussures, tout le monde n’en a pas besoin mais nous devons nous rendre attrayant pour que ceux que ça intéresse nous trouve, où qu’ils soient ». Pas de grandes publicités, pas de ramdam mais un travail éditorialisé qui parle pour lui-même : « C’est la qualité de nos collections et de notre travail qui fait parler de la marque ». Affirmant une politique d’entreprise peu intéressée par les chiffres, même si conscient qu’il doit générer du revenu car indépendant, Criterion a pour priorité de satisfaire son public de passionnés, exigeant et avide de découverte, tout en ayant en tête le temps disponible de chacun. Il faut fédérer une communauté. Le pendant de cet esprit de corps étant aussi d’attirer de nouveaux membres, ce qui est, en partie, l’autre ambition de la nouvelle plateforme Criterion Channel. 

Dernière occurence d’une volonté initiée en 2007 qui a subi de nombreux revers, Criterion Channel est « la petite cinémathèque » du label. En éditorialisant son contenu à travers les recommandations de personnalités du cinéma, sous forme de festivals ou par son aspect prescripteur et ludique, elle vise, en plus de satisfaire une population toujours plus tournée vers le digital, à offrir diverses portes d’entrée à ceux qui souhaiteraient s’initier à la cinéphilie ou tout simplement aux curieux occasionnels. Amener le spectateur en herbe à découvrir toujours plus, tirant le fil de l’histoire du cinéma. 

Une histoire qu’il faut parfois faire revivre grâce à des restaurations que finance Criterion citant l’exemple récent de la Trilogie d’Apu, films indiens de Satyajit Ray, qui ont bien failli disparaître suite à un incendie. Là encore la légende prend le dessus, la pellicule brûlée ayant été gardée mais presque oubliée pendant 20 ans au sein des American Film Archives, pour finalement être sauvée par le travail de L’image retrouvée à Bologne, un des partenaires du label. Criterion ayant lui-même à sa disposition dans ses locaux un laboratoire de nettoyage et de numérisation des oeuvres. 

Lors de cette keynote, le président du prestigieux label a ainsi rappelé que la petite histoire et l’Histoire du 7e art sont l’ADN de The Criterion Collection. Un récit que compte bien continuer à perpétrer, en ligne ou en DVD/Blu-Ray, Peter Becker, narrateur en chef. 

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