Accréditation

Table ronde sur la valorisation du patrimoine cinématographique africain

En cette 2e journée, le MIFC s’est tourné vers le continent africain pour faire un état des lieux des défis, culturels et économiques, qui attendent le continent pour valoriser son patrimoine cinéma. 

 

Animée par la journaliste, ancienne de RFI, Catherine Ruelle, la table ronde « Afrique : quelles collaborations à l’oeuvre pour la valorisation du patrimoine cinématographique du continent? » a choisi, à quelques mois du 50e anniversaire du Fespaco, de se concentrer sur les nouveaux élans du continent en matière de cinéma. 

Mais avant de parler du futur, il était important de refaire un petit point historique sur ce patrimoine africain. C’est le cinéaste tunisien Mohammed Challouf, qui, avec une certaine émotion, est revenu sur la véritable émergence du cinéma africain suite aux indépendances, dans les années 1960, un cinéma d’éveil et militant, racontant les luttes du point de vue du continent. Qu’il est désormais important de restaurer. Mais de ce point de vue-là le retard est assez grand. Malgré les actions de quelques unes des cinémathèques qui se sont mises en place ces dernières années, dont celle de Tanger, ces dernières dépendent encore trop des rives nord de la Méditerranée : « Même si nous avons beaucoup de soutien des institutions du Nord, nous avons intérêt de mettre en place une coopération. Nous n’avons pas de structures, pas de techniciens, les cinémathèques sont peu nombreuses et peu répandues. Nous avons beaucoup à récupérer et beaucoup à faire pour sauver nos archives. » précise-t-il, insistant sur l’urgence de sensibiliser les politiques locales. 

Dans un même mouvement, le cinéaste David-Pierre Fila, explique qu’il est temps de faire appel à un nouveau dynamisme, lancé notamment par la Fepaci, la Fédération panafricaine des cinéastes, qui rassemble 52 états du continent africain : « Il faut changer notre façon de faire du cinéma et s’adapte et encourager les collaborations Sud/Sud » annonce-t-il, expliquant au passage qu’il faut étendre le marché du cinéma africain, car il existe a un « véritable désir d’Afrique » notamment chez un public d’afro-descendants.  

Dans leur sillage, Véronique Joo Aisenberg, responsable de la Cinémathèque africaine de l’Institut français, est venue présenter le travail de préservation et de diffusion de cette collection de 1 700 films africains datant des années 1960 à nos jours. Au sein de ses cinémas et via des festivals, l’Institut français fait rayonner ce cinéma au travers de 6 000 projections par an. Un travail nécessaire sachant que, dans les années 1990, la plupart des cinémas, notamment en Afrique noire, ont fermé leurs portes. 

Le catalogue de cette Cinémathèque africaine va d’ailleurs bénéficier d’un plan de numérisation et de restauration. A l’horizon 2020, 25 films choisis par des experts et professionnels africains seront restaurés et valorisés dans le cadre de la Saison Africa 2020 de l’Institut français. Fad,jal (Grand-père, raconte-nous) de Safi Faye (1979), diffusé ce mardi au MIFC, est le premier d’entre eux. Restauré et numérisé en 2K d’après les négatifs 16mm, ce long métrage sénégalais a même bénéficié d’une projection au Festival de Cannes dans le cadre de Cannes Classics.  

Certains éléments de ces oeuvres de patrimoine africaines, un grand nombre, car la post-production a été réalisée au nord de la Méditerranée, sont en Europe. Le but selon Laurent Cormier, directeur du patrimoine cinématographique au CNC, est de rendre ce patrimoine à l’Afrique, puisque c’est aussi une volonté du gouvernement, mais dans l’état. Au contraire, il faut « lui faire bénéficier de toute la parure numérique que nous sommes capables de faire aujourd’hui", toujours "dans le respect de l’œuvre originelle » pour lui permettre de rayonner à nouveau. Un point appuyé par Pierre Boustouller, directeur commercial de la division restauration d’Eclair. Mais le véritable souci est celui de la conservation. Beaucoup d’éléments ont été perdus et désormais « Le principal enjeu est de suivre le cheminement des négatifs originaux et des bandes sons » annonce-t-il.  

L’autre défi de taille est évidemment, la diffusion de ces films. Et, sans détour, le continent manque de structures. Pascal Delarue, directeur général délégué d’Orange Studio, qui depuis quelques années a accéléré son implication dans la production locale avec des films comme La Pirogue ou Timbuktu, veut faire partie de cet élan. « Dans un même élan que le développement de nos productions en Afrique, nous avons trouvé intéressant de participer à la restauration des premiers films de chacun des pays où celles-ci son diffusée, afin de les valoriser vis-à-vis de l’histoire et de la culture de chaque territoire » explique-t-il, précisant au passage l’association de l’opérateur avec le circuit Canal Olympia du groupe Vivendi et l’Institut Français pour la diffusion dans une Afrique particulièrement désireuse de voir ses propres films. 

Enfin, trois professionnels du cinéma africains sont venus apporter un point de vue concret : Stéphane Vieyra de PSV Films, qui se consacre à la préservation et la diffusion de l’oeuvre de son père, Paulin Soumanou Vieyra, considéré comme le 1er cinéaste africain, Angèle Diabang Brener, cinéaste et productrice sénégalaise et Thierno Ibrahima Dia, rédacteur en chef d’Africiné, base de donnée digitale recensant près de 17 000 oeuvres africaines et en passe de reprendre les rennes des Rencontres cinématographiques de Dakar. 

Pour tous le constat est le même : il y a un réel manque de structure qui les oblige à travailler seuls. Ils ne se sentent pas réellement soutenus et le plus important pour eux est désormais de s’organiser. Mais ils sont plutôt optimistes au regard du regain d’intérêt du public africain vis à vis de ses films et des nouvelles initiatives mise en place notamment en matière d’exploitation et de cinémathèques. Reste encore à convaincre les Etats de s’investir davantage. 

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