Accréditation

Le Patrimoine en mutation - Part 2

Suite de la table ronde de ce matin, toujours animée par le directeur exécutif du Film français, cette deuxième partie est revenue sur les problèmes d’exposition du cinéma de patrimoine, en particulier sur les plateformes, et sur les difficultés de sa transmission. 

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Cette deuxième partie de la table ronde initiée le matin même, toujours en salle Karbone, réunissait François Aymé, exploitant du cinéma Jean-Eustache de Pessac et président de l’Afcae, Guillaume Jouhet, directeur général d’OCS, Natacha Missofe, responsable des éditions vidéo chez Potemkine Films, Denis Rostein, directeur général d’UniversCiné ainsi que deux invités lusitaniens Annette Dujisin, manager de la plateforme VàD Filmin Portugal, dédiée au cinéma indépendant et Gonçalo Madail, directeur de la chaîne RTP Memoria et sous-directeur de la chaîne RTP1 du groupe audiovisuel public portugais, autour de Laurent Cotillon, directeur exécutif du Film Français et Pascal LeChevallier, consultant et fondateur de What’s Hot Media. 

C’est d’ailleurs ce dernier qui a ouvert cette table ronde avec quelques données chiffrées. Il a d’abord noté que le marché du cinéma de patrimoine était vraiment non négligeable. En effet, il représente annuellement 3 100 ressorties en salles, 1 100 diffusions en télévision, 3 000 sorties en SVàD et 8 millions de ventes de supports physiques. Il a également noté l’explosion des plateformes avec quelques 13 millions d’abonnés, dont une majorité à 52% chez Netflix et annoncé quelques prévisions données par Digital TV Research, à savoir qu’en 2025, on pouvait s’attendre à 30 millions d’abonnés bien plus réparties sur l’offre déjà existante. Par la suite il a souligné à l’aide de quelques chiffres la performance du cinéma de patrimoine lors du confinement. 

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Enfin il a donné cinq grands enjeux pour le cinéma de patrimoine dans les années à venir, détaillés ci-dessous. 

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Dans un deuxième temps, Laurent Cotillon a abordé les enjeux de la transmission en suivant la chronologie des médias et en commençant logiquement par la salle. François Aymé, président de l’Afcae, a ainsi pris la parole soulignant la place notable qu’avait pris le cinéma de patrimoine post-confinement mais précisant que cette réussite, aussi louable soit-elle, était avant tout arithmétique : plus de salles disponibles, plus d’entrées. Il précise cependant que de manière globale, et c’est une tendance qui s’est confirmée avec la crise du Covid et les nombreux reports de sorties de films « neufs », l’art et essai résistait bien mieux au box-office que son pendant grand public « parce qu’il attire un public fidèle et assidu, et au sein de l’art et essai, le patrimoine a encore mieux résisté car il s’adresse à des cinéphiles fidèles. »

Pour ce qui est de la transmission, celui qui est aussi exploitant du cinéma Jean-Eustache de Pessac reste plus dubitatif. En réponse à une question soulevée le matin même autour de la perte des jeunes entre 15 et 25 ans au profit du jeux vidéo, il a confirmé l’absence de cette tranche d’âge, parlant d’une régression dans la cinéphilie et la transmission de celle-ci. Pour lui, il est nécessaire et urgent de développer les programmes d’éducation à l’image qui actuellement « ne concernent que 15% d’une classe d’âge » mais aussi d’améliorer la formation des enseignants mais aussi le rôle des médias dans ce travail de passation. Une réflexion qui n’a pas fait l’unanimité, ni dans la salle, ni dans le public présent. Natacha Missoffe, responsable des éditions vidéo chez Potemkine Films a ainsi noté une pointe de condescendance dans ces propos et a affirmé qu’il était aussi de notre devoir d’exciter la curiosité des jeunes en s’adaptant à eux et pas l’inverse. 

Le DVD/Blu-ray prend la suite avec l’intervention de Natacha Missoffe qui revient sur la force de la vidéo physique qui permet une intervention plus en profondeur au sujet du patrimoine, davantage sur la durée. Pour elle, la force de ce media est aussi le travail éditorial, nécessaire aussi à la vente. Elle explique cependant que son économie fonctionne sur les MG mais les mandat sont souvent limité et ne s’étendent pas aux autres modes de diffusion vidéo type VoD ou SVoD, ce qui entraine des soucis de rentabilité : « On gagnerait en cohérence et en économie si nous pouvions acquérir l’ensemble des droits vidéo » précise-t-elle tout en comprenant pour autant la logique des ayant-droits. Elle a par ailleurs souligné l’importance des médiathèques sur ce marché vidéo mais aussi de certains points de vente spécialisés (Cultura, La Fnac,..) qui permettent l’existence des DVD/Blu-Ray aux yeux du grand public. Ce à quoi Pascal LeChevallier a ajouté l’émergence des boutiques en ligne des éditeurs permettant le DTC. Mais pour la responsable des éditions vidéo chez Potemkine Films, il faut aussi soutenir, financièrement, les points de ventes physiques, en particulier les petits, qui ont un vrai rôle prescripteur. 

Du côté de la diffusion TV, Guillaume Jouhet, directeur général d’OCS, qui a fait l’état des différents canaux de diffusions du groupe (linéaire, non-linéaire et OTT), a précisé que le patrimoine était particulièrement consommé sur le linéaire, à hauteur de 25% des spectateurs, « là où ils ne sont que 10% à les solliciter sur le non-linéaire » ajoute-t-il. Toujours enthousiaste, il précise même que le le cinéma de patrimoine représente 29 des 100 meilleures audiences annuelles. Les films les plus vus? Les westerns et les films de guerre américains. Un constat que partage  son confrère portugais Gonçalo Mandail, directeur de la chaîne RTP Memoria et sous-directeur de la chaîne RTP1 du groupe audiovisuel public portugais. Mais là où l’accès aux oeuvres de patrimoine n’est pas un souci pour le diffuseur français, le Lusitanien précise qu’il n’en est pas de même au Portugal. En effet, il doit compter sur un fort partenariat avec la cinémathèque, notamment en raison du fait que peu de films classiques locaux ont été numérisés. 

Ce problème se répercute évidemment sur les plateformes VàD portugaises comme Filmin, représenté à cette table ronde par sa manager, Annette Dujisin. Une contrainte renforcée aussi par un système local très fermé puisque la majeure partie des oeuvres de patrimoine du pays est détenue par de petites majors qui ne souhaitent pas les partager pour privilégier leurs canaux. 

Cependant Annette Dujisin et Denis Rostein, directeur général d’UniversCiné, s’accordent à dire que si le patrimoine est essentiel à leur catalogue, il n’est pas nécessairement un produit d’appel. Cependant il représente le 1/3 des visionnaires sur la plateforme lusitanienne et 46% sur la française. UniversCiné est aussi, depuis  trois semaines, une plateforme de SVoD qui compte déjà 800 films et quelques 2200 abonnés. Et s’il est encore impossible d’avoir le recul nécessaire pour tirer des conclusions définitives, Denis Rostein observe déjà qu’il est plus cher d’obtenir des droits de diffusion en SVoD qu’en TVoD où les recettes s’opèrent en partage de revenus. Il explique qu’il est important que les ayant-droits fassent preuve de « bienveillance ». 

Comme Natacha Missoffe un peu plus tôt, le directeur général d’UniversCiné a précisé que l’éditorialisation était clé : « Il est facile de mettre des films dans des tuyaux mais les éditorialiser c’est mieux, cela permet d’atteindre de nouveaux publics ». Cette recherche de nouveaux publics passe aussi par l’expérimentation de l’AVoD (Advertised Video on Demand). Un modèle qui commence sérieusement à se développer outre-Atlantique et à côté duquel Pascal LeChevallier regretterait voir l’Europe passer. Pour certains intervenants, il est un moyen d’initier des publics aux  consommations dématérialisées légales voire de revaloriser des titres moins prestigieux, moins connus, des « bas de catalogues » comme il a pu être dit. Une méthode que désapprouve un peu Natache Missoffe qui craint, avec ce modèle de gratuité des contenus, de créer une mauvaise habitude chez le public, laissant entendre que tout devait être gratuit. "Ce qui peut être problématique, car déshabituer les gens à payer pour regarder des films dévalorise le travail que l’on fait autour de ces films et pour les sortir."

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