Conservation avec le CNC

La conversation avec le CNC, organisée par Le Film français, réunissait des acteurs majeurs de la filière cinématographique et audiovisuelle et est revenue sur les défis et les opportunités liés au patrimoine cinématographique en France. Animée par Florian Krieg, Rédacteur en chef, la table ronde a rassemblé Pauline Augrain (Directrice Du Numérique, CNC), Laurent Cormier (Directeur du patrimoine cinématographique, CNC), Mathias Hautefort (Président, SEVAD), Sophie Jardillier (Directrice adjointe des études, des statistiques et de la prospective, CNC), Sabrina Joutard (Présidente, SCFP), et Vincent Paul-Boncour (Co-président, REV). Les échanges se sont concentrés sur l'efficacité des aides publiques, la vitalité inattendue de l'édition physique, les enjeux de la diffusion numérique (VOD/SVOD), et les problématiques pressantes de conservation des œuvres face à l'explosion des coûts de stockage et aux évolutions technologiques, dont l'Intelligence Artificielle.

La table ronde a débuté par la traditionnelle révélation de l'étude annuelle du CNC sur les films de patrimoine : 

• Intérêt Élevé : Près de 90 % des Français consomment du patrimoine, principalement via la télévision (en recul) et la VàDA (en croissance). YouTube est aussi populaire que le cinéma pour cela.

• Salles Dynamiques : 3,9 millions d'entrées (2e plus haut niveau depuis 1997), avec des performances par séance supérieures aux nouveautés. Les ressorties génèrent 20 % des entrées patrimoine.

• Vidéo en Résistance :

  • Le patrimoine représente un tiers des ventes en vidéo physique, ralentissant le déclin du marché.

  • Les transactions en VàDA sont en forte hausse : 5,8 millions ( +29,2 %).

• Découvrabilité Critique : 55 % des Français déclarent ne pas trouver le film de patrimoine recherché (en hausse). Seuls 60,5 % des films des années 1996-2004 sont disponibles légalement (surtout en VàD).

L'étude complète est disponible ici. 

Financement et Conservation du Patrimoine

L'ouverture de la discussion a été marquée par l'annonce d'un million d'euros supplémentaire du CNC pour la restauration du patrimoine, un geste salué par les professionnels.

• Soutien Accru : Ce financement permet l'ajout d'une commission annuelle supplémentaire d'aide à la restauration et la numérisation, soit environ quatre films de plus aidés par an.

• Sauvegarde Numérique : Une aide cruciale a été introduite pour les films sortis avant 2010, ciblant les œuvres en difficulté de lecture ("trou numérique").

• Collaboration CNC : La filière a rappelé la singularité du système français, financé par les professionnels eux-mêmes, qui assure une collaboration constructive entre le CNC et les syndicats.

• Revendication pour la Préservation : La SCFP a souligné l'explosion des coûts de stockage numérique (plusieurs milliers d'euros par film) et milite pour que la part du budget CNC dédiée au patrimoine atteigne 1% (contre 0,4% actuellement), appelant à une concertation globale de la filière en 2026 pour partager les coûts.

• Lutte contre la Déshérence : Le CNC a reconnu la problématique des films "orphelins" (producteurs disparus) et la nécessité de simplifier les procédures pour libérer les droits d'exploitation.

Le Marché Résilient de la Vidéo Physique

Malgré le contexte numérique, le marché de la vidéo physique (DVD, Blu-ray, UHD) fait preuve d'une vitalité inattendue, portée par une offre d'excellence.

• Chiffres Clés : Le marché représente 180 millions d'euros de chiffre d'affaires et la vidéo patrimoine physique compte pour un tiers de ce marché.

• Excellence Française : La France est citée comme un cas unique au monde pour la diversité et la qualité des éditions vidéo indépendantes.

• Support d'Avenir : L'UHD (4K) est en croissance, attirant un public exigeant de plus en plus sur la qualité technique.

• Aide CNC : Le budget de l'aide sélective à l'édition physique est maintenu à 4,1 millions d'euros, dont 65% sont alloués au patrimoine, garantissant la diversité éditoriale.

• Plaidoyer du REV : Le REV a cependant regretté qu'aucune majoration de cette enveloppe n'ait été appliquée, contrairement à d'autres secteurs

Diffusion Numérique et Découvrabilité

La VOD et les plateformes numériques sont au cœur des efforts pour rendre le patrimoine accessible, mais font face à des défis économiques et de visibilité.

• Réforme VAD : Le CNC a mis en place un nouvel automatisme d'aide aux plateformes, financé par la TSV, encourageant la mise en avant des films français, dont le patrimoine.

• Accessibilité : Les plateformes de VOD/SVOD peuvent proposer jusqu'à 28 000 films, garantissant l'exploitation des œuvres sur la durée et luttant contre le piratage.

• Découvrabilité : Un chiffre frappant révèle que 55% des spectateurs ne parviennent pas à trouver le film de patrimoine qu'ils cherchent.

• "Trou" dans la Chronologie : Le SEVAD a pointé le problème de la période entre la sortie salle et la vidéo/VOD, durant laquelle les films sont indisponibles, favorisant le piratage.

• Menace du Gratuit : L'essor des modèles gratuits (AVOD) fragilise l'économie des offres payantes, incitant les acteurs à rechercher de nouveaux modèles de monétisation.

 IA et Éducation à l'Image

La fin de la table ronde a abordé l'impact de l'IA et l'importance du support physique pour la formation des spectateurs.

• Rôle de l'IA : L'IA est perçue comme un nouveau moteur de recherche massif, et le CNC souhaite influencer positivement ses résultats pour améliorer la découvrabilité légale des œuvres. Le Centre travaille à promouvoir une utilisation responsable et éthique de l'IA par les professionnels.

• Éducation : Il a été rappelé que le support physique, via notamment les médiathèques, et la diffusion télévisuelle (service public) sont vitaux pour l'éducation à l'image et la formation du public de demain.