Accréditation

Etude de cas Canada : Save As

Plusieurs représentants du Canada sont venus ce jeudi dresser le portrait du pays en matière de patrimoine montrant une nation divisée entre Québec francophone et Canada anglophone qui ne demandent qu’à se concerter. 

Autour de la table, menée par Tom McSorley, directeur exécutif du Canadian Film Institute, on pouvait retrouver Dominique Dugas, directeur général d’Éléphant : mémoire du cinéma québécois, Ron Mann, directeur de Films We Like, Nicolas Dulac, chef de service de l’accès, de la valorisation et du développement des collections de la Cinémathèque québécoise, Nathalie Bourdon, directrice, distribution et développement des marchés de l’Office national du film du Canada et Marie-Claude Giroux, conseillère partenariat et développement d’affaire de Téléfilm Canada. 

« Si loin de Dieu, mais si proche des Etats-Unis ». C’est avec ces mots empruntés à Porfirio Diaz, ancien président du Mexique, que Tom McSorley a débuté, non sans humour, cette table ronde, rappelant la position compliquée du Canada, d'un point de vue à la fois géographique et culturel. Après avoir précisé que l’histoire du cinéma acadien a quelque chose d’excentrique, le directeur exécutif du Canadian Film Institute a lancé un tour de table pour que chacun se présente. 

Dans un premier temps, c’est Dominique Dugas qui a présenté Eléphant, mémoire du cinéma québécois qui numérise, restaure et rend graduellement accessible l'ensemble des longs métrages de fiction québécois. Cette initiative est née d’une volonté philanthropique issue de Québécor. Le site d’Eléphant est particulièrement précis sur ses missions et vous pouvez le consulter en cliquant ici. 

Le réalisateur Ron Mann a ensuite pris la parole. Celui qui a débuté dans les années 1980 comme documentariste à la limite de l’expérimental, épaulé par le cinéaste américain Emile de Antonio. C’est par le documentaire, qu’il a notamment pratiqué en filmant la contre-culture nord américaine, que l’homme a compris l’importance de préserver les images pour garder une trace de l’histoire du monde. C’est ainsi qu’il est devenu aussi archiviste, créant notamment un « tax receipt » (à hauteur de 20%) qui agit comme une motivation pour les producteurs et les cinéastes afin qu’ils prennent l’habitude de déposer leurs oeuvres auprès des instituts de collection. Au côtés de ses amis cinéastes du monde entier, il s’est également aperçu que certains, peut-être plus niches, avaient du mal à trouver une distribution au Canada et c’est ainsi qu’il est devenu distributeur en créant sa compagnie Films We Like. En 2010, il a également restauré, avec Ivan Reitman, l’un des premiers films de ce dernier, Cannibal Girls. Puis ensemble, ils ont l’idée de le ressortir de manière événementielle, une initiative réussie qui lui a donné l’envie de restaurer et de ressortir plus de films. Une douzaine sont ainsi en cours de restauration. 

A sa suite, Nicolas Dulac a rappelé que la Cinémathèque québécoise était un organisme privé à but non lucratif créé en 1963 et dont la spécialité est, particulièrement, l’animation. Une cinémathèque qui comprend également de nombreux documentaires, des objets et autres décors de cinéma mais qui agit également comme une bibliothèque avec plus de 45 000 titres, livres et revues, à disposition ainsi que près de 30 000 archives de la télévision. La cinémathèque québécoise est également le récipiendaire du dépôt légal et doit catalogué et répertorier les oeuvres réalisées à l’aide du gouvernement québécois. Du côté des restaurations, la cinémathèque affirme qu’elle n’a jamais vraiment eu de budget pour et est à l’origine de quelques restaurations ponctuelles de très vieux films que l’on pensait disparus. Depuis peu, de nouvelles aides sont apparues pour le patrimoine et un plan numérique culturel a pour objectif de financer à hauteur de 500 000 dollars canadiens les projets de restauration. La volonté de la cinémathèque est de mettre l’accent sur les oeuvres militantes, féministes et le cinéma d’animation indépendant pour faire découvrir ces films méconnus. Or le problème de l’exploitation commerciale de ces restaurations se posent et selon Nicolas Dulac, l’idée sera de se reposer majoritairement sur leurs salles, les festivals et les institutions pour les diffuser. 

Comme le montre Nathalie Bourdon, cette table ronde est bien la preuve de l’éclatement des structures canadiennes autour du patrimoine mais aussi de sa petitesse puisque que selon cette dernière « c’est un village », chacun des panélistes ayant travaillé avec les autres récemment. Elle a également insisté sur la nécessité du streaming qui devient une manière puissante de diffuser du patrimoine au plus grand nombre. Ce que corrobore aussi Marie-Claude Giroux de Téléfilm Canada, pendant acadien du CNC et d’UniFrance. D’ailleurs, pour les 150 ans du Canada, et le 50e anniversaire de Téléfilm Canada, ces derniers ont mis en ligne 150 films canadiens qu’ils ont contribué à restaurer. Depuis 2019, la société investit entre 100 000 et 500 000 dollars canadiens dans les restaurations et la numérisation des oeuvres du patrimoine local. Pour cela, ils sont en partie associés avec Eléphant mais souhaiteraient développer et formaliser un programme de soutien plus net pour la numérisation et la restauration des films. 

C’est d’ailleurs la principale volonté qui a émané de cette table ronde. Collectivement, les panélistes se sont aperçus que le Canada anglophone et le Québec francophone représentaient deux solitudes qui se côtoyaient sans échanger leur savoir-faire : la restauration et la préservation pour le Québec, la distribution et l’accès pour le reste du Canada. Un problème également dû à une absence de registres précis qui regrouperait à la fois les oeuvres déjà restaurées, celles que chacun possède et qui permettrait un suivi des droits. Conjointement, ils ont confirmé que la volonté du Canada d’appuyer la nouveauté au détriment de la préservation et du patrimoine. De ce manque de cohésion entre acteurs publics et privés, niveaux provinciales et fédérales et différences linguistiques, les panélistes se sont mis d’accord pour créer ensemble une coalition pour parler d’une même voix. Et peut-être, qui sait, permettre à la filière de se structurer davantage et d’obtenir plus de fonds pour un meilleur avenir du patrimoine. 

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