Ce mardi matin, le MIFC accueillait une étude de cas autour des partenaires de la Film Foundation pour mieux comprendre comment les acteurs internationaux de la filière s’emparaient et relayaient les initiatives de l’organisation.
Animée par la rédactrice en chef de CinémaTeaser, Emmanuelle Spadacenta, l’étude de cas autour de la Film Foundation rassemblait Margaret Bodde, sa directrice générale, Cecilia Cenciarelli, responsable des projets internationaux à la Cineteca di Bologna et co-directrice du festival Il Cinema Ritrovato, Mark Hirzberger-Taylor, pdg de Park Circus, Gian Luca Farinelli, directeur de la Cinémathèque de Bologne, Vincent Paul-Boncour, co-fondateur et directeur de Carlotta Films et Rosalie Varda, productrice pour Ciné Tamaris.
Après avoir présenté hier la Film Foundation et ses missions lors de sa keynote, Margaret Bodde a débuté cette étude de cas en rappelant l’importance d’avoir des partenariats de qualité avec les acteurs de la filière de différents pays. Cette qualité ne se situe pas seulement du point de vue financier mais aussi d’un point de vue de la philosophie et des valeurs autour du cinéma de patrimoine. Un positionnement tout à fait partagé par Cecilia Cenciarelli qui a rappelé que les volontés de restauration, dont s’occupe la Cineteca di Bologna, sont souvent issues de voix très différentes, venues des ayants-droit, des universitaires voire des cinéastes, eux-mêmes, qui veulent partager leurs influences, dans la pure lignée de ce qu’était à l’origine le projet de Martin Scorsese et ses amis en créant la Film Foundation. Elle précise aussi que ces restaurations, au-delà du travail, comportent des responsabilités humaines. « Il faut être polyglotte, pas seulement d’un point de vue linguistique, mais aussi pour bien comprendre les intentions et les motivations culturelles derrière chaque restauration. Il est question de droits, d’un point de vue légal, mais aussi d’un point de vue moral » a-t-elle ajouté, appuyant sur le plaisir et la fierté de voir un film, en plus d’avoir une carrière internationale, être redécouvert par son propre pays d’origine. Et selon, la responsable des projets internationaux, ces réflexions sont possibles avec un partenaire comme la Film Foundation. Avec 4 à 5 projets de restauration par an, la Cineteca est un des partenaires privilégiés de l’organisation avec qui elle partage le goût pour le travail bien fait, en profondeur. Comme le souligne Gian Luca Farinelli : « C’est un travail complexe et collectif. Il s’agit toujours de gros projets, uniques, autour d’oeuvres comme Le Guépard de Luchino Visconti ou Il était une fois en Amérique de Sergio Leone, qui seraient impossible sans l’apport de la Film Foundation. Et le regard essentiel d’un Martin Scorsese, passionné et précis dans son contrôle qualité des restaurations ».
De son côté, Vincent Paul-Boncour, qui a distribué L’échiquier du vent de Mohammad Reza Aslani cet été en France, est revenu sur son expérience avec la Film Foundation. Une expérience qui a débuté par un choc de spectateur lors la découverte du film au festival Il Cinema Ritrovato., rappelant au passage l’importance du grand écran pour découvrir ces oeuvres peu ou pas connues dans les meilleures conditions possibles. Immédiatement, la volonté est venue de partager ce film important et l’éditeur de contacter la Film Foundation, qui avait les droits internationaux, pour organiser une distribution en France, d’abord au cinéma puis en vidéo physique. Il a ensuite expliquer que c’était son travail de distributeur de travailler ce film « pas plus difficile qu’un autre car presqu’une nouveauté » pour attirer exploitants, journalistes et au final le public. Au total, depuis sa sortie le 18 août, L’échiquier du vent a fait 12 000 entrées.
A sa suite, Mark Hirzberger-Taylor est revenu sur les missions de Park Circus, au catalogue de plus de 25 000 films. Pour le pdg, l’important est bien de mettre à disposition ces films, dans les meilleures conditions possibles, auprès de tous les publics et que pour cela la Film Foundation était un allié puissant. Sur un ton plus personnel, Rosalie Varda a raconté comment, en 2007, elle s’était rendue à Marrakech avec sa mère, Agnès Varda, pour rencontrer Martin Scorsese qui était présent pour présenter le tout premier film restauré par la Film Foundation, Transes du réalisateur marocain Ahmed el-Maanouni dont la projection a eu lieu sur la place Jemaa el-Fna. afin de lui demander son soutien, et celui de la Film Foundation, pour la restauration de plusieurs de ses oeuvres de sa période américaine : Oncle Yanco, Black Panthers, Lions love et Mur murs. Un voyage entrepris avec plaisir car comme l’avait dit avec humour la réalisatrice de Cléo de 5 à 7 « On avait besoin de manger un couscous ». A partir de là, l’organisation a pris en main la restauration de ces oeuvres, ce qui a pris un an. Notamment pour trouver les financements que la Film Foundation ont trouvé auprès du Los Angeles County Museum of Art (Lacma) qu’ils ont un peu rudoyer, disant que s’ils voulaient Martin Scorsese présent pour une de leurs collectes de fonds, ils devaient en donner une partie à la restauration des films d’Agnès Varda. Cette dernière a pu ensuite se rendre à Bologne pour superviser le travail sur ses oeuvres. En remerciement, la réalisatrice a aussi mis en place une installation au Lacma, créant une cahute entièrement faite du négatif de Lions love qui venait d’être numérisé et restauré.
A la fin de la conversation, Emmanuelle Spadacenta a demandé à l’ensemble du panel, son avis sur la situation du cinéma hongkongais, en proie à une nouvelle loi sur la censure va décider des films locaux qui violent ou non la loi sur la sécurité nationale à Hong-Kong. Gian Luca Farinelli a répondu sur un ton doux-amer que l’avantage de la circulation mondiale du cinéma est que beaucoup de ces films qui seront bloqués sont déjà conservés hors de Chine, même si cela ne pourra pas permettre de tout sauver. Il a aussi précisé avec une pointe d’ironie que la censure se retournait toujours contre le censeur et que cette volonté de vouloir supprimer une partie du patrimoine hongkongais n’allait faire qu’accroitre l’intérêt des gens pour celui-ci. En plaisantant, il a terminé en louant la cinéphile du gouvernement chinois et sa ténacité à considérer le cinéma comme une arme dangereuse.
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