Quoi de mieux que le contexte d’un festival de patrimoine pour parler du patrimoine en festivals ? Ce mercredi 16 octobre, face à Pascal-Alex Vincent, cinéaste et enseignant, quatre responsables de festivals français et internationaux se retrouvaient pour une étude de cas sur les espaces de diffusion que sont les festivals. L’occasion pour Éric Miot, Sophie Mirouze, Karel Och et György Ráduly d’évoquer les effets de la programmation de films classiques en festivals sur le marché.
Une intégration variée du patrimoine en festival
Le patrimoine s’est immiscé dans certains festivals sans en être la thématique principale, comme celui de La Rochelle, qui présentait dès sa création, en 1973, une rétrospective sur Georges Méliès sans qu’une section officielle dédiée à la filière classique ne soit créée. Sophie Mirouze, déléguée générale et directrice artistique du FEMA, explique que c’est seulement il y a une quinzaine d’années qu’une section officielle sur le cinéma de patrimoine a été inaugurée.
De la même façon, au festival international de Karlovy Vary, dirigé par Karel Och, le patrimoine n’a été propulsé qu’en 2011, à l’initiative du directeur artistique. Il créait alors une section dédiée au patrimoine intitulée “Out of the Past”.
Pour d’autres, comme pour le festival d’Arras, dont Éric Miot est le délégué général, il est à l’origine de la création de l’événement. En effet, le festival du Nord était d’abord itinérant, et ne montrait que des films de patrimoine. Il s’est ensuite installé à Arras avec une programmation plutôt tournée vers des films frais. Désormais, il associe des films anciens et nouveaux pour mieux comprendre la filmographie contemporaine, avec des rétrospectives thématiques notamment, et une vaste proposition de films venus d’Europe de l’Est.
À l’opposé de ces schémas, le festival de Budapest de György Ráduly a toujours fait la part belle au patrimoine, qui y connaît une place centrale. György Ráduly voulait créer un festival comme celui de Bologne, Il Cinema Ritrovato, dans la ville berceau du cinéma hongrois, mais où la filière patrimoniale était presque inexistante. C’est en gagnant la confiance d’exploitants qu’il a finalement pu faire grandir son événement, tout en étant soutenu par des organismes attachés à la filière patrimoniale, comme l’Institut français et le CNC. Il s’est par ailleurs inspiré de ses rencontres et de ses discussions au MIFC pour faire évoluer son festival, souhaitant fédérer un public local et international autour du patrimoine.
Une programmation qui dépend du marché…
Tout comme la programmation de films neufs dépend des choix éditoriaux de chaque festival, sa programmation de films classiques est également soumise aux décisions de sa direction. Au festival de La Rochelle, la programmation patrimoniale naît des désirs de ses deux dirigeantes, puis, à partir de 2010, des nombreuses propositions des distributeurs. Aujourd’hui, les désirs et les propositions s’associent, mais ces dernières sont toujours remaniées. Chaque œuvre proposée est associée à des films inédits pour élargir les rétrospectives, qui sont ensuite diffusées ailleurs, comme au Majestic à Paris. De la même façon, le festival d’Arras se façonne avec ce qui est distribué.
Du côté des festivals de Karlovy Vary et de Budapest, l’absence de marché classique en République Tchèque et en Hongrie fait prédominer la cinéphilie dans les choix de programmation.
… Et qui influe sur le marché
Il y a cependant un lien entre festival et marché patrimonial, en particulier en Hongrie. György Ráduly raconte que des distributeurs programment désormais des films classiques hongrois, tandis que les exploitants vont venir louer des films auprès des archives. En tout, ce sont plus de 3 000 séances de films de patrimoine qui ont eu lieu à travers le pays. Les chaînes de télévision ne sont pas en reste, renforçant leur programmation patrimoniale face au succès du festival.
En République Tchèque, cela n’a pas joué sur le marché, mais une rétrospective de 22 films autour de l'œuvre de Franz Kafka a fait le tour du monde. Korel Och explique aussi s’être rendu compte que les exploitants tchèques du monde entier sont en contact avec ceux de Prague qui travaillent avec le festival de Karlovy Vary. En outre, des partenariats avec des distributeurs français se sont formés. Aussi, le festival de Karlovy Vary a stimulé le domaine de la restauration dans le pays, en trouvant des financements auprès de sociétés privées. A ce jour, ce sont environ 60 films qui ont été restaurés depuis le lancement de ce processus.
En France, si Éric Miot déclare que des exploitants se déplacent à Arras, il précise qu’ils ne vont pas voir les séances patrimoniales, tandis qu’à La Rochelle, qui se place désormais comme un rendez-vous incontournable pour les exploitants, environ 400 exploitants font le déplacement. Des discussions sont aussi organisées, et l’ADRC bénéficie de journées de pré-visionnages. Ainsi, les exploitants peuvent piocher dans toutes les sections, et s’inspirent souvent de l’accompagnement qui est fait autour du cinéma classique.
La difficile question des financements
Cependant, l’avenir économique de ces manifestations est toujours piégeux, avec des financements en baisse pour les festivals français de La Rochelle et d’Arras, déplorés en particulier du côté des institutions régionales.
Pour le festival international de Karlovy Vary, le budget est en quelque sorte protégé, avec 80% du budget issu de sponsors et de nouveaux événements lancés autour du patrimoine, tandis que 20% viennent de l’État. De même pour le festival de Budapest, qui travaille désormais à trouver des alternatives pour éviter de perdre des financements. Cela passe par exemple par du travail de sponsoring.
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