En ce 3e jour, le MIFC a accueilli une table autour de la question des synergies entre les institutions et les salles pour accompagner les ressorties, mettant en avant le rôle prépondérant des distributeurs.
Autour du journaliste du Film Français, Sylvain Devarieux, étaient réunis Maelle Arnaud, responsable programmation et collection films à l’Institut Lumière, Pauline de Raymond, responsable de programmation à la Cinémathèque française, György Ráduly, directeur des archives au National Film Institute de Hongrie, Jean-Fabrice Janaudy, gérant du cinéma Le Vincennes et distributeur chez Les Acacias, François Aymé, directeur du cinéma Jean-Eustache de Pessac et président de l’AFCAE ainsi que Diane Gabrysiak, directrice de la programmation et de l’exploitation au Ciné Lumière de Londres.
A travers leurs témoignages, Maelle Arnaud et Pauline de Raymond ont rappelé le rôle, à la fois exhaustif, et moteur des institutions comme l’Institut français et la Cinémathèque française. Créateurs, initiateurs et gardiennes de collections et de rétrospectives souvent précises, elles savent créer l’événement, notamment avec le Festival Lumière et autres cycles de la Cinémathèque. Des manifestations qui s’effectuent en concertations préalables avec les distributeurs mais aussi à partir de volontés propres de ces institutions : « Nous montrons évidemment beaucoup de copies restaurées durant la manifestation, mais nous en suscitons également », a témoigné Maelle Arnaud. Mais le problème de ces événements est qu’ils sont géographiquement définis et ont encore quelques difficultés à sortir des limites régionales. Il y a une vraie volonté cependant, comme l’explique la responsable programmation et collection de l’Institut Lumière, celle de créer des programmes qui pourraient être repris dans d’autres cinémas dans différentes régions : « Nous avons le projet de faire circuler le Festival Lumière, en nous focalisant sur une programmation d’une dizaine de films emblématiques de chaque édition, et qui serait amenée clé en main, avec des accords particuliers avec les distributeurs, afin que les œuvres circulent en salle, sous le label du festival ».
Une ouverture rendue possible également grâce à d’importants réseaux comme celui de l’ADRC dont le travail a été salué de nombreuses fois pendant cette table ronde. Tous ont également souligné le travail essentiel des distributeurs dans cette synergies entre salles et institutions, par leur prise en charge de la sortie de certains films, choisis avec soin, afin de les rendre accessible à travers l’Hexagone. Pauline de Raymond et Jean-Fabrice Janaudy prenait ainsi l’exemple de la rétrospective Dino Risi de la Cinémathèque française à laquelle les Acacias s’est associé pour sortir dans un second temps certains de ses films en national et créer l’événement autour de ce cinéaste italien. Mais mobilité et accessibilité ne signifie pas pour autant succès comme l’a souligné François Aymé, « il faut continuer l’ambiance festival dans les salles »: plus précisément, il expliquait que l’aspect événementiel de ces moments créés par les institutions devaient trouver un écho dans les salles de cinéma, pour mettre l’accent sur ces films de patrimoine, face à l’actualité fraiche cinématographique, les décloisonner et attirer un public toujours plus large.
En plus de prolonger les initiatives des institutions, Jean-Fabrice Janaudy expliquait qu’une grande réactivité et connaissance interdisciplinaire étaient nécessaires pour créer l’intérêt du grand public autour de ces oeuvres. L’important? Saisir les opportunités, partout où elles sont. Il en voulait pour exemple la ressortie de Falbalas de Jacques Becker. Alors que l’exposition CinéMode, imaginée par Jean-Paul Gauthier vient de démarrer à la Cinémathèque française, ce dernier a été amené à faire le tour des radios et des télévisions pour la promouvoir, employant régulièrement le mot « Falbala » en référence à ce long métrage des années 1940. Pour incarner cette citation, Jean-Fabrice Janaudy, à travers sa société Les Acacias, a décidé de ressortir en salles le film, le 20 octobre prochain, avec l’idée de contextualiser le discours du grand couturier mais aussi de diversifier l’audience. Cette manière de mettre en scène le cinéma de patrimoine est aussi ce qu’encourage François Aymé qui a insisté sur l’intérêt de faire appel à des intervenants pour présenter les films ou encore à sortir des rétrospectives systématiques par cinéaste pour proposer d’autres angles, en proposant par exemple une rétrospective liée à un acteur ou un corpus de films autour de thématiques, politiques ou sociales, précises qui pourraient une fois de plus fédérer de nouveaux publics. Une mise en scène qui doit également s’accompagner d’une formation des professionnels de l’exploitation, voire la création d’une fonction d’animateur spécialisé dans le cinéma de patrimoine, qui serait à envisager en fonction de la typologie et de l’implantation de chaque exploitation. Il a également précisé qu’une liste d’intervenants qualifiés étaient déjà disponibles auprès de l’ARDC mais aussi que ces ambitions devaient être suivies de moyens et d’aides qu’ils seraient bon de discuter avec le CNC et les pouvoirs publics.
Une transversalité et une nécessité d’événementialiser confirmée par György Ráduly, directeur des archives au National Film Institute de Hongrie. Après avoir expliqué le rôle essentiels des archives, nationalisées à nouveau depuis 2004, au sein de son pays à l’histoire plutôt fracturée depuis la fin des années 1940, il a expliqué le rôle des archives dans la perspective d’attirer de nouveaux publics, surtout plus jeunes. Il a ainsi expliqué la création d’une base de données où chaque film est lié à des éléments informatifs et de communication pour aider les exploitants hongrois à mieux les mettre en valeurs. En terme d’ouverture locale, il a également cité l’exemple d’une exposition actuelle à Budapest retraçant 120 ans d’histoire du cinéma hongrois où il a été demandé à des artistes locaux, particulièrement issus du monde de la musique, d’organiser des visites guidées pour les plus jeunes, une manière de les attirer vers ce patrimoine qu’ils ignorent. De même, en plus d’avoir des copies restaurées et sous-titrées pour diffuser cet héritage dans d’autres pays, la Hongrie a également prévu de nombreux éléments de communication et de documentation pour encourager leur diffusion à l’étranger.
Une expérience partagée par Diane Gabrysiak, dans le cadre du Ciné Lumière de Londres. Ce lieu, à la fois rattaché à l’Institut français mais aussi considéré plus globalement comme un cinéma d’art et essai, a besoin de partenaires locaux pour trouver sa place, surtout que le public britannique n’est pas le plus cinéphile. Institut français, festivals - comme Kino Klassika ou Cinema Rediscovered -, mais aussi organismes, comme le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir lors d’un cycle sur Delphien Seyrig, sont ainsi des alliés privilégiés pour attirer des publics variés qui ont besoin de se renouveler, tout comme l’est le BFI, une institution qui a la particularité d’être à la fois un lieu de préservation et de restauration des films mais aussi de distribution. Mais comme le précise la directrice de la programmation et de l’exploitation de ce cinéma londonien, il n’est pas toujours simple de diffuser certains films, la plupart des copies de films français, hors ressorties nationales, n’ayant pas de sous-titres anglais et qu’il est difficile pour eux de les financer eux-mêmes.
Au moment des questions, un bémol a été apporté par Vincent Paul-Boncour, o-fondateur et directeur de Carlotta Films, qui regrette le besoin permanent d’événementialiser le patrimoine et souhaiterait que l’on en parle au présent : « Il faut faire confiance au film, et lui donner la chance d’exister en salle ». Une remarque bien accueillie par les intervenants qui ont eux-mêmes insisté sur la nécessité de croire en ces films et de ne pas partir perdants dans leur diffusion. Comme l’a précisé Maelle Arnaud : « On dit que les Lyonnais sont cinéphiles car les salles du Festival Lumière sont pleines. Mais ce n’est pas arrivé du jour au lendemain, c’est aussi le fruit d’un travail au long cours entre l’Institut, les exploitants lyonnais et le public » bouclant ainsi la boucle de cette table ronde sur les synergies entre salles et institutions.
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