Accréditation

Table ronde : AVoD mode d'emploi : quel potentiel pour le cinéma de patrimoine?

Après la VOD et la SVOD, c’est l’AVOD, plateforme de contenus vidéo gratuits financés par de la publicité, qui est au centre des débats au MIFC. Quatre professionnels se sont rassemblés pour discuter autour de la thématique “Quel potentiel pour le cinéma de Patrimoine ?”.

Mercredi 13 octobre, 15h30 à la salle Karbone. A l’occasion d’une table ronde intitulée “AVOD Mode d’emploi : Quel potentiel pour le cinéma de Patrimoine ?”, le Marché International du Film Classique (MIFC) a tenté d’aborder factuellement ce nouveau monde de consommation vidéo et l’impact qu’il pourrait avoir dans l’avenir sur la pérennité du cinéma de patrimoine. Autour de la table, nous retrouvons Vincent Grimond, président de Wild Bunch, Gregory Samak, directeur général de Molotov, Hubert Tilliet, directeur juridique de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et Pierre Olivier, co-secrétaire du Syndicat des Catalogues de Films de Patrimoine (SCFP). Cette rencontre a été modérée par Laurent Cotillon, directeur exécutif du Film Français.

L’AVOD (Advertising Video On Demand), comprendre une plateforme qui diffuse des contenus vidéo gratuits financés par la publicité que l’utilisateur peut regarder après avoir visionné des spots publicitaires, est en pleine émergence en France même si le procédé n’est pas encore assez connu par le grand public. Gregory Samak, directeur général de Molotov (plateforme de vidéo en streaming qui permet notamment de regarder les chaînes de la TNT française sur l’ordinateur et autres appareils connectés), a tenté de vulgariser le concept de l’AVOD à savoir “la transposition de la VOD sur la télévision gratuite.” Une pratique pas encore vraiment répandue dans l’Hexagone, modernisation de la consommation télévisuelle qui a d’abord débuté en Chine avant de gagner le territoire Américain. Aux Etats-Unis, le géant Amazon a lui aussi lancé son service AVOD, baptisé IMDb TV, qui a été lancé très récemment au Royaume-Uni. “Les Français consomment déjà de l’AVOD presque sans le savoir...”, explique Vincent Grimond. “Les services de replay télévisuel comme Arte Replay sont déjà de l’AVOD. En plus de cela, ils adjoignent aussi des films qui n’ont pas été forcément diffusés sur leur chaîne.” Le président de Wild Bunch a réaffirmé que la télévision restait le support audiovisuel privilégié des Français, en particulier en groupe ou en famille. 

Vincent Grimond précise sa pensée : “En France, aujourd’hui, on ne fait pas d’argent avec de l’AVOD. Mais je pense qu’il faut se positionner dès maintenant pour l’avenir”. De son côté, Gregory Samak appuie son propos avec des chiffres : “Il y a 16 000 000 d'utilisateurs de Molotov en France, sur 60 000 000 d’habitants c’est quand même significatif. Nous avons plusieurs millions de connexions individuelles mensuelles. Chaque mois, il y a entre 10 et 15 000 nouveaux utilisateurs. Ce sont beaucoup de jeunes, entre 20 ou 25 ans, mais aussi beaucoup d’utilisateurs de 50 ans et plus car ce sont des gens qui aiment s’intéresser aux nouvelles technologies.” Le directeur général de Molotov affirme que le passage à l’AVOD est ni plus ni moins que la transformation de la télévision gratuite. En ce sens, il affirme que les droits des cataloguistes quant à la diffusion de leur film de cette manière “vaut de l’or”. Pour lui, il est plus censé que les cataloguistes diffusent leurs films en AVOD plutôt que sur YouTube : “Un film classique japonais des années 50, selon moi, n’a pas du tout sa place sur cette plateforme. Il perd de sa valeur.” Vincent Grimond, de son côté, nuance : “Ne confondons pas la plateforme et le service. YouTube est une plateforme très fourre-tout mais cette dimension là n’a pas empêché la chaîne Arte de s’y lancer dessus et de produire du contenu de qualité.

Hubert Tilliet, directeur juridique à la SACD, a recontextualisé que le premier service d’AVOD est celui de Rakuten, lancé lors du premier confinement. “C’est d’ailleurs le seul service qui a signé un accord avec la SACD pour que les auteurs soient rémunérés.” La rémunération classique des auteurs est, selon lui, un “modèle assez simple” : les autres plateformes de vidéo à la demande versent un pourcentage sur les recettes d’abonnements ou de publicité. “Ce pourcentage est perçu sur la totalité des recettes sans faire aucune distinction entre les œuvres que représente la SACD et celles qu’elle ne représente pas.” L’idée est que l’AVOD deviennent un modèle similaire aux chaînes de télévision mais transposé aux recettes générées par les plateformes. “Je constate que cela ne suffit pas à rémunérer les auteurs avec les usages qui sont faits." Le directeur juridique de la SACD semble un peu plus dubitatif sur le potentiel de l’AVOD quant au cinéma de Patrimoine et les droits des auteurs. “Je suis très sceptique sur la concurrence que l’AVOD pourrait faire aux plateformes par abonnement pour une raison très simple : On constate qu’environ 85% des sommes qui proviennent des plateformes correspondent plutôt à des séries qu’à des films.” Pierre Olivier explique quant à lui sa position sur le sujet : “Il n’y a pas de méfiance, mais des interrogations. Nous sommes, nous les cataloguistes, constamment en train de rechercher des moyens de diffuser les films et donc de les faire découvrir à un public plus jeune. Notre priorité c’est de ne pas voir mourir le public avec des modes de diffusion qui seraient en voie d’affaiblissement.” Le co-secrétaire du SCFP souligne aussi les risques qu’une “gratuité fasse des dégâts". Il a le sentiment que la notion de gratuité pourrait s'installer durablement dans l’esprit des spectateurs et que cela affaiblisse finalement la capacité du public à payer un service de manière générale.

Vincent Grimond récupère la balle au bond : “On n’est pas que des imbéciles, nous savons qu’un film a une valeur, c’est tout le métier de Wild Bunch, et je faisais pareil lorsque je travaillais pour Studiocanal. Notre métier c’est de redonner de la valeur aux films. Et pour redonner cette valeur, il faut plusieurs choses comme l'accompagnement et l’écrin de sortie. Amazon ce n’est pas le plus bel écrin mais c’est diablement efficace. C’est même monstrueusement efficace.” Le directeur de Wild Bunch a ensuite livré une anecdote sur la conception des catalogues qu’il a fait à l’époque où il travaillait pour StudioCanal en expliquant que les films les plus demandés représentaient uniquement 10% de la totalité du catalogue, soit 1 sur 10. Même s’il réaffirme qu’actuellement l’AVOD ne dégage pas de bénéfices, il reste persuadé que c’est un modèle qui va s’inscrire dans l’avenir et qu’il est nécessaire de s'engouffrer dans la brèche tant que la concurrence en France n’est pas encore très présente. “Ce que fait Molotov est absolument exceptionnel. Ils sont partis de rien et ils construisent une plateforme, c’est la seule qui existe et ils ont 16 000 000 d’utilisateurs… On va bien finir par convaincre ces mecs de regarder une chaîne mais laissez-nous le temps de la faire. Et bien sûr que les auteurs seront rémunérés. Il nous faut juste du temps.” Enfin, il a appuyé son propos en expliquant que la “génération de demain veut consommer de l’AVOD avec le moins de contraintes possibles”, notamment, toujours selon lui, des contraintes financières.

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