Accréditation

Table ronde : Entre usages et réglementation : comment développer l'accès aux oeuvres?

Ce vendredi, le MIFC a terminé sa 9e édition en organisant une rencontre autour de l’usage et de la réglementation de l’accès aux oeuvres donnant, au passage, quelques pistes de réflexion sur la manière d’envisager la disponibilité des oeuvres de patrimoine. 

Autour de Jérôme Soulet, directeur du catalogue de Gaumont, se trouvaient deux juristes, Marion Lingot, avocate à la Cour et associée chez Fiducial Legal by Lamy et Karine Disdier-Mikus, avocate à la Cour et associée chez Fiducial Légal by Lamy ainsi que le fondateur de Buzz2buzz, Alain Le Diberder et Gilles-Marie Tiné, président d’AyeAm Films. 

La table ronde a débuté par un rappel du droit. Karine Disdier-Mikus a ainsi rappelé que l’accès aux oeuvres ne se faisait pas n’importe comment et qu’il était régit par le droit d’auteur (à ne pas confondre avec le copyright à l’américaine), et ce droit d’auteur passe avant tout par le consentement de l’auteur. Donc, à partir du moment où une oeuvre se retrouve sur une plateforme quelle quel soit, si le ou les détenteurs de la propriété intellectuelle n’est/ne sont pas d’accord, il s’agit alors de contrefaçon. L’avocate a également rappelé que ce droit s’accompagnait depuis le 7 octobre 2016, pour les producteurs, de devoirs et notamment celui de la recherche d’exploitation suivie (qui est une obligation de moyens). Cette obligation très française a été transposée dans le droit européen, ainsi quand quelqu’un télécharge une oeuvre dont il n’a pas les droits sur une plateforme, type Youtube, c’est à la plateforme qui est tenue responsable de ce qui est mis en ligne et doit trouver un terrain avec les détenteurs des droits d’auteurs pour permettre cette exploitation, selon un contrat aux conditions raisonnables, faut-il encore que le détenteur de droit en fasse la demande. C’est ensuite à des organismes extérieurs, qui peuvent être l’Arcom, les tribunaux ou même l’Autorité de la concurrence de décider de l’aspect équitable de ces contrats.  

Mais, hors ces cas complexes, Gilles Marie-Tiné, président d’AyeAm Films et auteur d’une étude autour du diagnostic et des propositions sur l’offre de cinéma de patrimoine de France Télévisions, a précisé que l’accès premier aux oeuvres de patrimoine restait encore le service public. Comme il le rappelle 29 millions de foyers en France payent la redevance quand 3 millions sont abonnés à des chaînes spécialisées dans le cinéma et 8 à 10 millions sont sur des plateformes, donc les chaînes, celles de France Télévisions, et plateformes gratuites, arte.tv et france.tv, restent les seuls accès, hors vidéo physique, au cinéma de patrimoine. Or, sur la décennie 2010 (hors le cas 2020, exceptionnel à plus d’un titre), un renversement s’est opéré entre Arte et France Télévisions. Ainsi la chaîne franco-allemande, menée par une politique volontariste et dynamique autour du cinéma, est passée de 380 films diffusés à 450, donc de 130 à 190 films de patrimoine, quand, dans le même temps, France Télévisions a faire choir son offre de 520 à 420, une baisse de 100 longs métrages entièrement répercutée sur le cinéma de patrimoine (films de plus de 20 ans), passés de 250 à 150. Et selon lui, ce n’est pas les plateformes gratuites de ces chaînes qui vont compenser car la télévision reste encore très porteuse en termes de spectateurs. En revanche, selon Gilles Marie-Tiné, il devient essentiel d’améliorer la collaboration entre chaîne de télévision et plateforme pour donner toujours plus de visibilité à ces oeuvres de patrimoine, notamment sur le web. Il précise ainsi que le bouche-à-oreille, qui reste toujours un grand moteur de découverte, sera ainsi d’autant plus efficace et qu’il ne faut pas que les cataloguistes et autres ayants droit aient peur de ces plateformes gratuites qui permettent un mode de transmission bien plus contemporain. 

La visibilité, c’est aussi ce dont parle Alain Le Diberder. Le fondateur de Buzz2buzz est ainsi revenu sur ce qui faisait la valeur d’un film : pour une film récent, c’est son budget qui lui donne sa valeur, au bout d’une dizaine d’années, c’est sa distribution qui prime tandis qu’au-delà de 20 ou 30, c’est ce qu’on dit de lui qui continue à le faire exister. Si on ne parle plus d’un film, il ne vaut alors plus rien, puisque personne ne souhaitera le voir (ne sachant pas qu’il existe). Pour lui, trois types de films se retrouvent « pirater de bonne foi » : les très vieux films de plus de 50 ou 60 ans qui ne sont plus accessibles légalement nulle part, les films étrangers non disponible légalement en France et les films bloqués par les ayants droit. Or, d’après Alain Le Diberder, quand une personne charge l’un de ces films sur une plateforme type Youtube, alors il lui donne une nouvelle notoriété qui lui redonne une valeur marchande. Pour conclure, il a affirmé que le loi de 1985 n’est plus adaptée à l’époque, en particulier pour les films de patrimoine, les coûts étant bien trop élevés par rapport à la valeur économique et culturelle de ces oeuvres, et qu’une discussion politique devrait avoir lieu à ce sujet. 

Jérôme Soulet a alors repris la conversion, troquant sa casquette de médérateur pour celle de directeur du catalogue de Gaumont, afin d’expliquer qu’en tant que cataloguiste, il était important pour lui que ses oeuvres restent accessibles, or, dans certains cas, ce sont les détenteurs du droit d’auteur qui bloquent. Alors que faire dans ces cas-là? Dans la salle, Isabelle Meunier-Besin, responsable du service de négociation des contrats de production audiovisuelle à la SACD, a ainsi précisé que l’organisme était là pour aider dans ce type de situation et que, dans le pire des cas, comme soutenu par les deux juristes autour de la table, il était possible d’aller jusqu’au tribunal pour « abus de droit ». 

Sabrina Joutard, présidente du Syndicat des cataloguistes, a alors ajouté que le problème du piratage était qu’il induisait la question de la gratuité dans l’esprit des spectateurs et se demandait pourquoi tout devrait être disponible tout le temps. Ce à quoi Alain Le Diberder a répondu que le problème n’était pas tant la disponibilité mais que certaines oeuvres risquer de basculer dans l’indifférence. 

Gilles Marie-Tiné a alors conclu en espérant que la télévision publique face mentir Jean-Luc Godard en prouvant qu’il lui était possible de créer du souvenir en diffusant du cinéma de patrimoine. 

Ce site nécessite l'utilisation d'un navigateur internet plus récent. Merci de mettre à jour votre navigateur Internet Explorer vers une version plus récente ou de télécharger Mozilla Firefox. :
http://www.mozilla.org/fr/firefox