Après avoir abordé la place du patrimoine dans les salles et les festivals, et alors qu’un showcase présentait ce jeudi 17 octobre le CPP, il convenait d’étudier l’avenir de la pellicule au sein de la filière cinématographique, pas seulement patrimoniale. Une discussion à ce sujet regroupait ce jour Benjamin Alimi, Simone Appleby, André Labbouz, Viktoria Sovak ainsi que Baptiste Heynemann, en qualité de modérateur.
Vers la fin de “l’âge d’or” de la pellicule ?
Aujourd’hui mise à mal par le numérique, très implanté car facilitant de nombreux aspects de la production cinématographique, la pellicule n’a pas perdu de son intérêt pour les professionnels, notamment dans la filière patrimoniale. Élément bien plus durable que le numérique, commence Simone Appleby, cheffe du service Laboratoire Restauration du CNC, l’argentique se conserve à minima 100 ans, Kodak garantissant 150 à 200 ans de conservation, précise André Labbouz, directeur technique pour Gaumont. Une qualité qui justifie que de nombreuses œuvres numériques sont aujourd’hui copiées sur des pellicules, avec des clauses de contrat imposant de telles copies, raconte André Labbouz. De la même façon, la Hongrie se positionne en spécialiste de la copie sur 35mm, comme le rapporte Viktoria Sovak, directrice du National Film Institute Hungary (Filmlab), évoquant les nombreux tournages américains demandeurs de copies positives. En terme de patrimoine, “la pellicule c’est la survie du métier”, poursuit André Labbouz.
Si la pellicule n’est plus à son âge d’or, avec seulement 700 000 mètres de pellicule couleur et 300 000 mètre de pellicule N&B qui sortent à l’heure actuelle des laboratoires de TransPerfect Media contre 200 millions en 2012, le 35mm connaît aujourd’hui un regain d’intérêt de la part des cinéastes et de la jeune génération. Ainsi, les tournages en 35mm augmentent.
Un intérêt toujours présent mais limité
L’intérêt est donc au rendez-vous, mais se pose la question de la durabilité possible de la pellicule. Aujourd’hui, les fabricants sont limités, tout comme les savoir-faire. Kodak s’est engagé, sous la pression des majors, à continuer de produire pendant 10 ans des films, et réalise des investissements significatifs dans la filière et dans l’industrie à moyen et long terme, mais ce n’est pas suffisant.
Les savoir-faire sont les premiers touchés par l'ascendant du numérique sur l’argentique : les professionnels encore formés au traitement des pellicules en 35mm sont vieillissants, et la jeune génération ne trouve pas de clés pour se former à l’utilisation de projecteurs ou au développement de l’argentique. Concernant les projecteurs, André Labbouz en veut beaucoup au CNC d’avoir forcé en 2012 les salles à s’équiper de projecteurs numériques, laissant les projecteurs de pellicule à l’écart.
Sur le développement des pellicules, les laboratoires se font rares, et les spécialistes aussi. Le CNC s’est récemment équipé de son propre laboratoire pour être plus autonome en cas de fermeture définitive des institutions avec lesquels il travaillait, en particulier dans leur travail d’archive, mais connaissent déjà des limites : si leurs machines s'abîment, ils ne peuvent pas les faire réparer, faute de spécialiste, explique Simone Appleby. La maintenance est en général assurée par les laboratoires eux-mêmes, précise Benjamin Alimi, Managing Director de TransPerfect Media. Il ajoute qu’avec les machines numériques, la question ne se pose pas, tandis que pour le numérique il faut réussir à trouver des solutions.
Quelles solutions pour sauver le 35mm ?
Une première piste est la création d’un annuaire de professionnels, et donc d’une communauté, attachée aux machines et aux savoir-faire de la pellicule 35mm. Un inventaire des machines est aussi en cours de création, pour répertorier le matériel spécialisé disponible en France et ailleurs.
Une autre serait la création de formations pour les métiers de la pellicule : projectionniste, photo-chimiste, étalonneurs. Des formations internationales, précise Viktoria Sovak, mais aussi publiques, demande André Labbouz, soutenues par l’Éducation nationale et les ministères. Simone Appleby précise que le CNC se questionne quant à la création d’une formation en son sein, alors que les débouchés professionnels ne sont pas assurés à la sortie.
C’est une autre solution que préconise le CNC, celle de faire pérenniser le savoir-faire du 35mm en tant que “patrimoine immatériel”, comme l’a fait la ville de Grasse avec le parfum. Un tel label imposerait de trouver des moyens pour le préserver.
La pellicule, patrimoine indestructible du cinéma
Pour autant, tout n’est pas gris, des formations renaissent là où elles n’existaient plus, comme à la Femis ou à Lumière, et des initiations au développement de films sont proposées. Des initiatives personnelles fleurissent également, comme la création de nouveaux papiers argentiques alors que le papier photographique connaît les mêmes problématiques que la pellicule, tout en ayant réussi à se réinventer au fil des ans et des innovations.
La pellicule regagne également en intérêt dans sa physicalité : des réalisations numériques sont copiées en pellicule puis à nouveau en numérique pour en tirer une image plus organique, raconte Benjamin Alimi.
Des limites persistent cependant, notamment du côté du recrutement. Un turnover existe, mais il est difficile d’attirer la jeunesse tant les formations sont longues. De même, la pellicule en 16mm connaît des problématiques encore plus creusées alors que les laboratoires n’en font que du développement, le tirage étant devenu trop coûteux. Pour Baptiste Heynemann, modérateur de cette discussion et délégué général de la CST, la clé est à trouver dans l’identité de la filière, qui ne pourra continuer à exister qu’en se prenant en compte comme telle.
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