Accréditation

Comment les médias spécialisés s’emparent-ils du cinéma de patrimoine?

En cette deuxième journée, le débat s’est déplacé du côté des médias spécialisés dans le cinéma, de patrimoine et autres, et plus particulièrement sur les moyens d’élargir leur audience.

Le cinéma de patrimoine n’est plus une affaire confidentielle. Longtemps considéré comme un passe-temps de connaisseurs,  souvent  réduit à l’esthétique monochrome des classiques hollywoodiens, le patrimoine revient pourtant au goût du jour. Une partie de ce succès retrouvé est le fait d'une poignée de médias, de la presse papier aux contenus numériques, soucieux de s'emparer de ce cinéma de niche et de contribuer à sa démystification auprès du grand public.

Pour discuter de ce phénomène assez récent, des représentants de tous types de médias étaient réunis autour du journaliste Pierre Charpilloz pour exprimer leur ressenti face à l’émergence de ce marché. La table ronde réunissait Gaël Golhen, rédacteur en chef de Première et du trimestriel Première Classics, Jérôme Barthelemy et Daniel Sauvage, producteurs et réalisateurs de l’émission Viva Cinema sur Cine+, Marc Moquin, rédacteur en chef de Revus & Corrigés, François Theurel, créateur de contenu et responsable de la chaine YouTube Le Fossoyeur de Films. Deux invités internationaux se joignaient à cette assemblée, en la personne de Steve Della Casa, auteur et animateur de Hollywood Party sur les ondes transalpines de la Rai et enfin Sheldon Hall, journaliste au magazine britannique Cinema Retro.

Malgré des sensibilités divergentes, les professionnels du secteur s’accordent sur un des enjeux majeurs des médias spécialisés : la nécessité de dépoussiérer et de rendre le cinéma de patrimoine inclusif. Pour François Theurel, il existe un "besoin primordial de storytelling" dans la redécouverte des classiques du cinéma. Une théorie confortée par le succès de ses vidéos thématiques sur les tournages catastrophiques ou sur les légendes urbaines. Les médias comme Premiere Classics et Viva Cinema ont également embrassé un éclectisme bienvenu pour effacer l’image snob dont souffrait le film de patrimoine. Ainsi l’inclusion de chefs-d’œuvre d’action eighties et autres films de série B au même titre que les films d’auteur attire un lectorat plus jeune, avide de redécouvrir les films de son enfance.

L’attractivité de ces médias passe également par un rattachement à l’actualité des ressorties, sans oublier d’en examiner la pertinence. L’excavation de ces films parfois méconnus permet de confronter leurs thématiques au contexte actuel comme l’exprime Marc Moquin, citant L’âme des guerriers comme exemple criant de l’éclairage qu’apportent ces œuvres sur un sujet aussi actuel que le féminicide. Une responsabilité éditoriale qui s’accompagne de la nécessité de déterrer des interviews et documents d’époque inédits ajoute Steve Della Casa.

S’ils revendiquent une indépendance quasi-totale, ces médias sont tout de même forcés de travailler main dans la main avec les éditeurs pour des besoins iconographiques. Même si la législation reste floue au niveau de l’utilisation de photogrammes (souvent utilisés librement, au même titre que les citations), la question se complique pour les clichés de tournage ou les photos promotionnelles.

Comme le rappelle Gaël Golhen, les magazines comme Première Classics sont construits autour d'un postulat de promotion du cinéma et des films restaurés. Marc Moquin rappelle également qu’en dépit de l’impossibilité d’honorer la totalité des droits photographiques, les médias restent dans une dynamique promotionnelle des œuvres ressorties, allant même jusqu’à inviter son public à en faire l’acquisition.

Ces difficultés affectent d’autant plus les vidéastes sur YouTube comme le note François Theurel. D’un côté en raison de la méconnaissance des ayant-droit face à ces types de contenus, de l’autre à cause du manque de protection qu’offre la plateforme à ses créateurs. Malgré l’existence du concept d’"utilisation autorisée" (ou fair use) permettant aux vidéastes d’utiliser gratuitement des extraits de films dans le cadre d’un commentaire ou d’un contenu parodique, ces derniers restent démunis face à la démonétisation de leurs vidéos après une réclamation manuelle de copyright. Dans ce cas, les revenus reviennent à l’auteur de la plainte, sans compensations pour le créateur. "Mais les mentalités évoluent et les ayant-droits comprendront que nous ne travaillons pas contre leurs intérêts", renchérit le vidéaste. Éventuellement.

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