Accréditation

Table ronde exploitation : « Quelle place pour le cinéma de patrimoine dans les salles en Europe ? »

Quel espace occupe le cinéma de patrimoine dans la programmation d’un cinéma? Pour combien d’entrées? Comment attirer les nouveaux publics? Autant de questions qui étaient au coeur de la conversation en ce jeudi matin. 

 

Autour d’Anthony Bobeau, conseiller aux acquisitions chez Memento Films Distribution, cinq exploitants européens étaient venus partager et comparer, dans une bonne humeur communicative, leurs expériences. Ainsi pouvait-on retrouver Christian Bräuer, président de la CICAE et directeur général de Yorck-Kino GmbH et de Programmkino Ost GmbH (Allemagne), Maxime Iffour, programmateur au Cinéma Le Bretagne, Saint-Renan (France), Andrea Crozzoli, membre du conseil d’administration au Cinemazero, Pordenone (Italie), David Havas, directeur du NFA Cinema Ponrepo (République tchèque) et Shira Macleod, directrice du Regent Street cinema (Royaume-Uni). 

Cinémas différents, nombres de salles différents, pays différents mais constat similaire : pas si simple de programmer le cinéma de patrimoine. C’est même impossible de ne faire que ça. Et les risques sont gros si une séance ne marche pas. Le seul exploitant dissonant dans ce bilan un peu grisou était Maxime Iffour. Selon lui, en France, grâce à l’aide de différentes organisations comme la SACD et l’ADRC, qui accompagnent les exploitants dans leur démarche de diffusion du patrimoine, le droit à l’erreur est possible et donc la prise de risque semble plus facile que chez nos voisins européens, un peu laissé à l’abandon dans cette noble cause du partage du patrimoine. Et surtout le public français semble un peu plus friand de répertoires que ses camarades de l’UE. 

Mais les observations sont similaires pour nos cinq exploitants : le cinéma de patrimoine nécessite un plus grand investissement de temps et d’idées que le cinéma dit « frais ». C’est une « guerilla » comme l’a souligné en souriant Shira Macleod. Il faut événementialiser ces séances que ce soit avec des intervenants spécialisés venus pour l’occasion, un travail de médiation, la présence d’un cinéaste et/ou d’un talent, la création de festivals thématiques mais aussi par des idées un peu plus saugrenues. Par exemple, le Regent Street Cinema propose des séances danse et cinéma le mercredi : vous payez votre place (12£ environ, ce qui n’est pas particulièrement cher à Londres) et vous avez accès à un film de patrimoine suivi d’un cours de danse. Au Cinemazero à Pordenone, on propose des séances de films muets avec des concerts live mais aussi la possibilité, pour des jeunes encadrés d’un professeur de musique, de composer leur propre BO sur des courts métrages. Mais certains, comme Maxime Iffour et Christian Bräuer, insistaient sur l’idée qu’il fallait aussi programmer les films de patrimoine de la même façon que des films récents pour ne pas les ghettoïsés, le fait de préciser en permanence qu’il s’agit d’un long métrage du passé pouvant parfois avoir un effet plus repoussoir qu’attractif. 

L’autre problème, que l’on rencontre dans l’ensemble des tables rondes, des plateformes au éditeurs de DVD en passant pas les distributeurs et les exploitants, là où tout le monde se retrouve c’est la question du jeune public. Comment attirer la jeunesse en salle, d’une part, et devant des films de patrimoine, d’autre part? Si personne n’a de réponses définitives, tous y sont allés de leurs idées. Marketer sur les social media étant l’une des solutions principales : entrer sur le terrain des plus jeunes. Parfois même avec l’aide des talents. Comme le souligne Shira Macleod, quand un grand réalisateur ou acteur comme Edgar Wright tweet sur son cinéma, elle a plus de chance de voir débarquer une population plus jeune. A Prague, on organise même des DJ Set sur films muets. La programmation et les heures de programmation sont également essentielles : il sera plus compliqué d’attirer les plus jeunes en matinée par exemple. De même, il faut les accompagner dans leur cinéphilie : peut-être commencer avec des films populaires des années 80 pour ouvrir leurs horizons ensuite plutôt que de les placer directement devant Le Septième Sceau de Bergman. Il faut également saisir les opportunités comme en Allemagne où Christian Bräuer a organisé un cycle Tarantino à l’occasion de la sortie de Once Upon a time… in Hollywood. De son côté, David Havas suggérait également de se rapprocher des classiques de la télévision en projettant par exemple d’anciens épisodes de Twin Peaks. 

Tous étaient unanimes sur un point essentiel : il faut une politique volontariste des exploitants pour amener ce cinéma de patrimoine auprès du public. Ça tombe bien, il y avait cinq volontaires sur l’estrade ce jeudi. 

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