Accréditation

TABLE RONDE ACTUALITÉ - Comment faire vivre le cinéma classique à l’aune des changements de paradigmes sociétaux ?

Si le cinéma évolue vers une prise de conscience générale sur les violences sexistes et sexuelles et sur le racisme, il reste aux acteurs de terrain à poursuivre le travail entamé par les lanceurs d’alerte pour permettre à la filière d’avancer. Modérée par Sylvain Devarieux, journaliste pour Le film français, une table ronde réunissant Béatrice Boursier, Élodie Drouard, Romain Dubois et Laura Pertuy discutait ce mardi 15 octobre des solutions concrètes mises en place par les programmateurs pour continuer de faire vivre le cinéma de patrimoine à l’aune des changements de paradigmes sociétaux.

Programmer des oeuvres problématiques : les premières pistes de réflexion

Véritable sujet, aussi bien pour le cinéma frais que celui de patrimoine, la question de la diffusion des œuvres jugées problématiques transcende les frontières de la filière. Si le travail est en cours au sein des équipes de réalisation, il reste aux exploitants, distributeurs et programmateurs de prendre le relais. Et pour cela, de nombreuses pistes de réflexion ont déjà été proposées.

Laura Pertuy, administratrice du collectif 50/50, a expliqué qu’un temps d’échange a été proposé aux exploitants et exploitantes pendant le Festival de Cannes cette année, ces derniers se sentant seuls et ne sachant pas comment aborder cette thématique. Une deuxième discussion a été organisée, à La Rochelle cette fois-ci, avec un public plus diversifié. 

De la même façon, il a été question de défricher ces sujets au sein des équipes de programmation de France Télévisions, représentées par Élodie Drouard, responsable éditorial cinéma pour l’institution audiovisuelle. Si la politique d’acquisition n’a pas changé, il y a désormais plus de discussions et de réflexions sur l’accompagnement des œuvres difficiles à montrer en l’état.

À contrario, Romain Dubois, Directeur marketing et éditorial chez UniversCiné, rapporte d’un “reset” dans le processus d’acquisition de la plateforme : les artistes mis en cause ne sont plus achetés, mais leurs films auparavant acquis restent disponibles. En effet, il n’est pas question de “tuer les œuvres” mais de les accompagner, en adaptant le travail à fournir à chaque film et à chaque auteur sans se placer ou faire la promotion de certaines filmographies.

Reste à trouver des solutions concrètes

Unanimement, les intervenants de la table ronde conviennent qu’il n’est pas possible d’aboutir à une formule universelle dans la manière de traiter des œuvres problématiques, qu’elles soient patrimoniales ou récentes. Pour Béatrice Boursier, déléguée générale du SCARE, il faut avoir de la nuance pour chaque œuvre, et proposer une réponse adaptée en conséquence. La solution de l’éditorialisation se pose alors en favorite, dans les gazettes et avec la mise en place de cartons au moment de la diffusion, l’organisation de débats en parallèle de la programmation et de choix éditoriaux revendiqués par les organismes. Laura Pertuy évoque notamment la diffusion de Chinatown de Roman Polanski au Forum des Images, qui était précédée d’un carton évoquant les discussions internes aux équipes du Forum et leur désaccord quant à cette diffusion, affirmant que désormais toute personne mise en examen ne serait plus invitée au Forum des Images.

Un renfort éditorial est donc nécessaire, comme le rappellent Romain Dubois et Élodie Drouard. Évoquant le travail de France Télévisions, la responsable éditorial cinéma raconte qu’à la suite de la diffusion d’un long métrage d’Alfred Hitchcock, un documentaire sur le réalisateur a été programmé, mettant en lumière son comportement problématique. Pour elle, “on peut tout montrer, ou presque”, mais cela dépend du contexte, du regard et de la vision qui y est associée.  

Des étapes qui restent encore à surmonter

Si des solutions concrètes sont proposées, il reste cependant du chemin à faire, en particulier du côté de la réception. Laura Pertuy rapporte par exemple que l’on manque encore de résultats sur les réactions des spectateurs face aux contenus éditoriaux proposés : Ont-ils vraiment un impact, aussi bien négatif que positif ? Pour Béatrice Boursier, la réaction des spectateurs est constante, toujours dans un sens ou dans l’autre selon le choix des exploitants, n’apportant pas de réponse utilisable.

Les enjeux économiques d’un cinéma jugé problématique se superposent également à ceux du cinéma de patrimoine, l’éditorialisation entraînant des coûts supplémentaires.

Si les programmateurs continuent d’apprendre à traiter ces sujets, il reste des questions qui n’ont pas trouvé de réponses, dont celle des hommages rendues aux artistes. Élodie Drouard, pour qui les hommages obligent à s’adapter quelques heures seulement après la disparition des personnalités selon l’émotion qu’elle suscite, il est pour le moment impossible de se positionner sur le choix de rendre hommage ou non à des personnalités problématiques.

Enfin, certains voient dans le retrait d'œuvres problématiques le moyen de mettre en avant des œuvres patrimoniales oubliées. Finalement, il est essentiel de faire preuve de prudence et de transparence vis à vis du public, les programmateurs hissant cette dernière au rang de devoir, ce qui n’empêche pas les débats, bien au contraire, et permet par la même occasion “d’ouvrir un cercle vertueux en montrant que c’est un système qui appartient au passé”, conclut Laura Pertuy.

 

Ce site nécessite l'utilisation d'un navigateur internet plus récent. Merci de mettre à jour votre navigateur Internet Explorer vers une version plus récente ou de télécharger Mozilla Firefox. :
http://www.mozilla.org/fr/firefox