Poursuivant les discussions lancées en 2023 sur l’utilisation de l’Intelligence Artificielle (IA) dans le cinéma de patrimoine, le Marché International du Film Classique proposait le jeudi 17 octobre 2025 une table ronde autour de la question de la place de l’IA dans le sous-titrage et le doublage des films de patrimoine. Une discussion animée par la journaliste Perrine Quennesson qui a réuni Jean-François Cornu (ATAA), Frederik Merkel (Phont) et Cécile Piot (Vectracom).

La place de l’IA dans l’industrie de patrimoine
L’intelligence artificielle est un progrès technique à l’image des innovations que l’industrie cinématographique a connu depuis les premiers pas du cinéma, il y a plus de 100 ans, elle a donc sa place dans l’industrie, mais son application doit être au service de l’humain, et pas l’inverse.
- Faux gain de temps : L’utilisation de l’IA nécessite un contrôle de qualité humain, ce qui demande plus de temps, car les transcriptions faites par l’IA sont souvent erronées.
- Un outil inadapté au cinéma classique : Redoubler des films anciens créé un décalage entre la qualité du son et de l’image.
- Un outil pour plus d’accessibilité ? : La question de l’accessibilité est essentielle au sous-titrage et à l’audiodescription, qui sont des pans du secteur traversés par l’IA, notamment avec Phont, mais les transcriptions proposées sont souvent dégradées. Aussi, des ajustements sont déjà mis en place pour que les sous-titres soient plus accessibles, par exemple l’usage de couleurs.
- Sur les coûts : La qualité du sous-titrage et du doublage a un coût qui ne se retrouve pas avec de l’IA. Il faut aussi prendre en compte les coûts écologiques de l’utilisation de l’IA.
Choisir les contenus doublés et sous-titrés par l’IA
Au regard des prises de parole, tous les contenus ne nécessitent pas l’utilisation de l’intelligence artificielle, même si créer des distinctions initie une hiérarchie entre les contenus.
- Ne pas utiliser l’IA dans tous les cas de figure : Le sous-titrage avec de l’IA dépend des contenus, l’utilisation de la technologie n’est pas la même entre des télé-réalités et du cinéma de patrimoine.
- Création d’une hiérarchisation : On assisterait à une hiérarchisation des contenus accentuée par l’utilisation généralisée de l’IA, avec des contenus doublés et sous-titrés par de l’IA face à d’autres qu’il ne faut absolument pas toucher.
Un cadre doit être défini
L’adaptation à l’utilisation de l’intelligence artificielle est possible, mais elle doit se faire dans un cadre précis qui protège les droits d’auteur et la propriété intellectuelle.
- Pare-feux peu efficaces : La loi de 2019 sur la « text and data mining » (TDM) est jugée inacceptable et l’ « opt-out » est difficilement appliquable, tandis que les recommandations de l’ARCOM n’empêchent pas que des conventions non-conventionnelles soient signées. En 2011, l’ATAA a signé une charte des usages avec le CNC et la FICAM qui doit être actualisée et appliquée.
- Aides nationales et européennes : Des aides sont proposées aux entreprises de traduction et de doublage, mais distribuées à des entreprises qui utilisent de l’IA (exemple de TransPerfect et Arte en 6 langues).
- Une charte des usages inappliquée : Il faut réactualiser les textes quant à la traduction des films de patrimoines, un effort qui doit être fait en commun par les principaux diffuseurs, guidés par un impératif de qualité, avec le besoin d’appliquer la charte des usages signées en 2011.
- Repenser l’économie : Les industries doivent réfléchir à leurs financements et à la qualité qu’ils souhaitent proposer avec leurs contenus pour faire des choix adaptés en matière d’utilisation de l’IA.