À l’occasion de sa première journée, le Marché International du Film Classique s’est penché sur le programme européen AgoraEU et les polémiques qu’il soulève, notamment en ce qui concerne le cinéma de patrimoine, à l’occasion d’une table ronde modérée par Melanie Goodfellow, correspondante internationale senior cinéma pour Deadline. Celle-ci réunissait Michal Bregant, président de l’association des cinémathèques européennes, Sebastian Naumann, délégué général de la CICAE, Juliette Prissard, déléguée générale d’EUROCINEMA et Jan de Vries, directeur de création et programmateur du cinéma KINO de Rotterdam.

La table ronde a débuté par une vidéo de la députée Emma Rafowicz, également vice-présidente de la Commission Culture du Parlement et rapporteure de Creative Europe. Cette dernière a tenu à faire une mise au point concernant la portée politique d’AgoraEU, mettant en garde sur le risque de dilution que représente l’intégration de Media, un fonds d’aides spécifique, dans un programme plus large, Media+, en particulier pour le cinéma indépendant et la coproduction, qui ne sont pas clairement spécifiés dans le nouveau texte. Un risque qu’elle entend défendre au Parlement, assurant qu’AgoraEU se trouve « au cœur d’une bataille culturelle ». Vous pouvez retrouver sa vidéo sur le replay de la table ronde, ici (avec vos codes accrédités, disponible sur votre espace Festiciné).
AgoraEU, un nouveau programme « au cœur d’une bataille culturelle »
Décrivant AgoraEU comme un outil de résistance aussi bien que d’offensive qui doit être utilisé contre les réactionnaires, Emma Rafowicz s’est placée aux côtés de Michal Bergant, pour qui la vocation politique d’AgoraEU est entravée par le volet Media+. Pour le président de l’association des cinémathèques européennes, le cinéma d’archive promeut l’esprit critique et les valeurs démocratiques. Mais sans financement adapté, pas de cinéma d’archive accessible. Les négociations sont donc cruciales, avant la mise en place de Media+, pour la période 2028-2034.
Une problématique majeure : celle du budget
Au cœur du lancement d’AgoraEU figure la question de son budget, qui mélange les secteurs audiovisuels. Auparavant dépendant d’un fonds spécifique, le cinéma sera bientôt mélangé à la presse d’information au sein de Media+. Un frein non négligeable aux assurances financières demandées par les professionnels, comme l’expliquait Juliette Prissard. En effet, alors que Media est le seul fonds européen qui finance le cinéma, l’absence de séparation entre les différentes industries menace le secteur cinématographique, qui nécessite son indépendance inscrite dans le texte final. Car face au contexte politique belligérant que connaît l’Europe aujourd’hui, comment être sûr que la presse d’information ne sera pas favorisée par rapport au cinéma, et en particulier le cinéma de patrimoine, lorsque viendra l’heure d’allouer des fonds ? En outre, Michal Bregant déplorant que le cinéma de patrimoine ne soit pas spécifiquement mentionné dans le texte d’AgoraEU, fragilisant un peu plus le secteur au sein de ce budget à venir. Enfin, le vote de ce dernier est tout aussi épineux, car comme l’expliquait Juliette Prissard, si actuellement le texte est gage d’une certaine sécurité quant au financement alloué au secteur patrimonial, avec Media+ et ses nouvelles modalités de vote, les assurances disparaîtront et les fonds pouront évoluer d’une année à l’autre.
Les limites d’un tel programme
Outre les problématiques qui sont encore en négociation, l’entrée en matière d’AgoraEU et de Media+ soulèvent plusieurs limites exposées par les intervenants de cette table ronde. À commencer, selon Michal Bregant, par la mise en danger de la coopération internationale et les délais de vote du budget trop rapprochés pour suivre le temps du cinéma classique, mais aussi la possibilité de financer des sociétés non-européennes, soulevée par Juliette Prissard.
Quelles pistes alors pour faire avancer les négociations ?
Face aux nombreux points relevés par les intervenants de cette table ronde, des pistes se dégagent pour réussir à faire évoluer le texte avant sa mise en application en 2028. Pour cela, Juliette Prissard a demandé aux différents panelistes de ne pas hésiter à interpeler leurs députés européens au Parlement, jugeant qu’ils sont pour l’heure trop peu à se battre face à AgoraEu. En parallèle, elle a appelé à plus de certitudes dans le texte définitif quant aux financements alloués au cinéma, et en particulier au cinéma de patrimoine. La mise en place d’un lobby a aussi été évoquée par Michal Bregant, tandis que Sebastian Naumann et Jan de Vries mettaient en lumière plusieurs problématiques concrètes des travailleurs du secteur patrimonial à prendre en compte au moment des négociations. Parmi elles : l’accessibilité au matériel qui rentre dans le cadre de la coopération internationale. Il souhaite une mise à disposition indépendamment des frontières en particulier en ce qui concerne les sous-titres, et insiste sur le besoin de redéfinir ce qu’est le cinéma de patrimoine pour attirer de nouveaux publics. De son côté, Michal Bregant suggérait de se tourner vers de nouveaux spectateurs, à savoir les seniors, qui représentent une opportunité qu’il ne faut pas laisser passer pour faire évoluer le cinéma classique. Des points qui pourraient être évoqués d’ici 2028 et la mise en place de Media+.
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