Poursuivant les discussions du jeudi 17 octobre sur l’intelligence artificielle, le MIFC proposait ce vendredi matin une réflexion orientée sur les réglementations françaises et internationales autour de l’IA, animée par Perrine Quennesson. La responsabilité est alors revenue à Valérie-Laure Benabou, Juliette Prissard et Justine Radel-Cormann d’en dessiner le cadre légal et juridique.
Avec l’IA, deux problématiques majeures
Une nouvelle étude de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, publiée ce vendredi 18 octobre, pose les jalons de l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) en matière de cinéma classique en Europe. Présentée à distance par Justine Radel-Cormann, analyste juridique du COE, cette étude fait état d’une double application dans la filière patrimoniale, au service de l’indexation et de la restauration. Un double usage qui n’est pas sans conséquence : Justine Radel-Cormann liste les formats des films, qui sont difficiles à traiter pour l’IA, les coûts qu’une telle utilisation peuvent engendrer ainsi que les risques de dépendance excessive de la machine, qui risquent de faire disparaître des compétences.
Elle relève alors les différents problèmes juridiques et réglementaires soulevés par l’IA, qui peuvent être résumés en deux points : la question du droit d’auteur et de la rémunération des outputs. Face à ces problématiques, l’analyste juridique concède qu’il y a encore un flou entourant le cadre réglementaire européen sur l’IA, les logiciels n’étant régulés que par deux textes spécifiques, pas toujours adaptés à l’IA générative.
Sur le droit d’auteur
Concernant la question du droit d’auteur, Juliette Prissard, déléguée générale d’EUROCINEMA, a entamé sa prise de parole en rappelant que l’output s’applique sur l’IA générative, laissant les données être fouillées sauf contre-indication. Des limitations existent, mais elles sont encore modestes, précise Valérie-Laure Benabou, professeure de droit privé à l’Université de Paris-Saclay / UVSQ, car la chaîne de l’output n’a pas été régulée. Il reste à créer des systèmes techniques pour dire non au robot sur l’ensemble des catalogues à fouiller, ce qui impliquerait des changements dans les règlements intérieurs des entreprises.
La réglementation sur l’IA est aussi à revoir, en cela qu’elle n’est pas adaptée pour les IA génératives avec des extrants compétitifs au cinéma classique, laissant les pays réguler de leurs côtés. En France, le droit d’auteur relève d’un cas spécial, qui autorise à reproduire pour reproduire. Reste alors à remettre en question l’exception pour l’adapter au mieux.
Sur la rémunération
Les problématiques sur le droit d’auteur en soulèvent d’autres sur la rémunération des outputs. Comment faire pour rémunérer les extrants, si on ne sait pas qui en sont les auteurs ? Et selon quel modèle ? Juliette Prissard explique que des accords ont déjà été conclus avec des institutions de presse sans que les détails en soient dévoilés, ce qui entretient le flou autour de la rémunération des IA. Se posent deux questions : celle de la répartition des accords passés, et celle de la valeur des datas fournies. Sans transparence sur le modèle économique utilisé, ce sont des sommes forfaitaires qui sont allouées, et qui peut-être ne rémunèrent pas assez les auteurs.
La rémunération des inputs interroge également. Valérie-Laure Benabou ajoute qu’on ne sait pas encore ce que ça concerne, ni comment le payer. Elle explique qu’avec l’IA il y a plusieurs phases, et donc plusieurs données. Certaines sont utilisées pour l’apprentissage de l’outil, pour les exercices, pour la validation etc. La question se pose alors de savoir quels sont les inputs qu’il faut rémunérer selon la phase qui les utilisent.
Une interrogation commune : celle de l’origine
Finalement, la principale interrogation soulevée par cette table ronde est celle de l’origine des œuvres produites par l’IA générative. Pour Valérie-Laure Benabou, il est nécessaire de savoir dans quelle mesure l’humain reste aux commandes de ces outils, à l’heure où des prompts synthétiques peuvent produire des extrants sans aucune supervision humaine.
Pour inciter à revendiquer l’origine des créations, une solution commune semble se dessiner, celle de placer dans le domaine public les extrants qui n’ont pas été revendiqués, avec un cadre commun à celui du domaine public payant. Il s’agirait alors de les soumettre à une redevance, pour favoriser la création humaine plutôt que synthétique. Une idée également avancée par Juliette Prissard, pour qui la rémunération doit favoriser la création humaine.
Cette dernière s’active également pour l’identification de prompts comme preuve de l’originalité. Elle donne l’exemple d’un tribunal chinois pour qui l’originalité humaine est avérée même si c’est une machine qui a réalisé l’output, car un humain l’a guidée dans sa fabrication.
Un dernier point, qui fait écho à la nécessité de réguler l’utilisation de l’IA sans la brider, est celui de l’invisibilisation de la diversité culturelle dans les projets générés par l’IA : si on ne s’y intéresse pas, il y aura un déséquilibre dans les contenus en fonction des pays favorables à l’IA, et les autres.
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