Accréditation

Vers une politique patrimoniale audiovisuelle ?

Véritable point noir des politiques patrimoniales, le patrimoine audiovisuel était au cœur des discussions, mercredi 15 octobre 2025, alors que le Marché International du Film Classique réunissait plusieurs acteurs de la question autour d’une table ronde modérée par Damien Choppin, journaliste pour Satellifacts, à commencer par Michel Gomez, auteur d’un rapport de 194 pages sur la préservation et la valorisation du patrimoine audiovisuel publié en marge de la table ronde. C’est aux côtés d’Antoine Bayet (INA), de Jacques Fansten (SACD), de Laurent Jaoui (U2R), de Sabrina Joutard (SCFP), d’André Labbouz (CST) et de Jean-Yves Mirski (FICAM) que l’économiste et ancien délégué général de la Mission cinéma de la Ville de Paris a présenté ses conclusions cinglantes sur le sujet, préconisant la mise en place d’une vraie politique patrimoniale audiovisuelle.

Vers une politique patrimoniale audiovisuelle

1/ Les détails du rapport de Michel Gomez

La mission de Michel Gomez portait sur les œuvres audiovisuelles de stock avec une ancienneté de 20 ans et plus, expliquait-il au public du Marché en présentant ses conclusions, faisant état de plusieurs constats majeurs : 

  • Une très grande confusion, un désert de données et un environnement en mutation : il n’existe pas de base de données qui référence clairement les œuvres audiovisuelles, ni de rapports sur le sujet, et l’INA ne s’occupe plus des droits patrimoniaux des œuvres audiovisuelles depuis 1981, ce qui égare les professionnels, mais il y a beaucoup de mutations et d’évolutions dans le secteur (ex : la création de madelen par l’INA).
  • Un marché très étroit et peu encadré : grâce aux données de la SACD on découvre que 78% des œuvres produites avant 2003 ne sont plus diffusées après 2010 et que l’accord d’exploitation des œuvres signé en 2016 n’a pas été appliqué.
  • Un marché audiovisuel peu favorable à la diffusion des œuvres de patrimoine : les diffuseurs sont peu enclins à la diffusion du patrimoine et les distributeurs ont des catalogues fournis mais pas ou peu exploités. Il y a aussi des freins techniques et juridiques (notamment en ce qui concerne les œuvres orphelines ou les liquidations d’entreprises) à la diffusion du patrimoine audiovisuel.
  • Un manque d’identification d’une politique patrimoniale audiovisuelle au CNC : la responsabilité de la politique patrimoniale retombe sur les ayants droit et les producteurs.
  • Sa préconisation est simple : mettre en place une politique qui prenne clairement en compte le marché sans être exhaustive et en association avec la filière.
  • Besoin d’une institutionnalisation de cette politique patrimoniale à venir : le CNC doit s’emparer de cette politique patrimoniale, les rôles institutionnels doivent être clarifiés, la CST-RT-043 doit être repensée pour intégrer le patrimoine audiovisuel, des procédures doivent être renouvelées
  • Veiller à conserver le patrimoine doit être un enjeu majeur : il faut disposer de données qui aillent jusqu’à la disponibilité des œuvres, il faut mettre en place un plan de protection des œuvres de 1980-2005,
  • La diffusion doit être encouragée : en créant un corner patrimonial sur les plateformes audiovisuelles et en bonifiant les obligations du décret SMAD.

2/ Le patrimoine audiovisuel n’est presque pas connu

  • Définir le patrimoine audiovisuel : toutes les créations audiovisuelles ne se valent pas. La télévision d’auteur, les longues séries, les unitaires et les téléfilms ne bénéficient pas des mêmes traitements. Il faut aboutir à un patrimoine populaire et commun en matière d’audiovisuel.
  • Le manque de valorisation : les œuvres les plus anciennes n’ont pas été valorisées au moment de leur création à cause du système économique de l’époque, et elles n’ont souvent été diffusées qu’une fois.
  • Le besoin de référencement : sans données concrètes pour connaître son patrimoine, l’audiovisuel peine à être valorisé. Il faut débloquer les catalogues, ce que fait U2R, et initier un inventaire des œuvres pour voir ce qui existe, s’il y a des négatifs et si leur restauration est possible. Pour cela, entités publiques et privées doivent collaborer, en particulier sur la question des titulaires de droits, ce qui résoudra les difficultés des œuvres orphelines. 

3/ Le problème de la conservation du patrimoine audiovisuel

  • L’urgence des prestataires : le stockage a évolué et il y a une augmentation des coûts, avec des prestataires qui conservent des oeuvres sans savoir quoi en faire. Le poids des œuvres orphelines ou de la déshérence des œuvres retombe aussi sur les prestataires.
  • Les œuvres numériques de 1980 à 2005 : nous n’avons aucun recul sur leur conservation, et on ne sait pas comment les utiliser.

4/ Redéfinir un cadre institutionnel et juridique

  • Les limites de la CST-RT-043 : texte fondamental pour le cinéma classique sans versant audiovisuel, il doit être amélioré.
  • Repenser l’accord de 2016 : l’accord passé sur l’exploitation des œuvres est efficace en matière de cinéma classique et alors qu’il fêtera son dixième anniversaire en 2026 il faudrait l’ouvrir au patrimoine audiovisuel.

5/ Quelles Pistes ?

  • L’exemple d’INA madelen : lancée en 2020, la plateforme de SVOD prouve que le patrimoine audiovisuel intéresse le public et les chaînes. L’INA y présente les contenus dont elle possède les droits mais pas seulement, des mandats d’acquisition ont aussi fait grandir son offre de 10 000 œuvres, dont certaines sont restaurées. Le travail éditorial y est majeur associé à la diffusion et il porte ses fruits. Les téléfilms et unitaires n’y sont cependant pas clairement accessibles.
  • S’inspirer de ce qui est fait du côté du cinéma, en particulier au sein de la SCFP. Mais l’étanchéité des budgets est nécessaire entre le cinéma et l’audiovisuel car les modèles économiques ne sont pas les mêmes et se durcissent.

 

 

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