Accréditation

Ciné-club

Comment l’esprit Ciné-Club permet de mener des actions de médiation autour du cinéma classique ?

Sylvain Devarieux, journaliste pour Le Film Français modérait au Karbone jeudi 20 octobre la rencontre matinale de Fanny Beuré, Victor Bournerias, Manon Kerjean, Ramiro Ledo Cordeiro et Pierre Magne autour de la médiation des oeuvres de patrimoine par les Ciné-Club.

La discussion en collaboration avec l’ADRC et l’AFCAE s’est ouverte sur le témoignage de Fanny Beuré, co-créatrice et animatrice du Podcast et du Ciné-club « All that Jazz ». Après avoir raconté la création il y a deux ans de son Ciné-Club dans la lignée de son podcast, né il y a cinq ans, la spécialiste des comédies musicales à l’université de Lorraine a parlé du pari réussi de transformer ses auditeurs en spectateurs. Elle a aussi évoqué son travail de médiation, souhaitant présenter des films en lien avec l’actualité des comédies musicales, sans avoir toujours toutes les clés en main pour le faire : contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas si facile de programmer des films très connus.

Une difficulté connue par Victor Bournerias, programmateur au grand Action à Paris, qui témoigne d’une offre de plus en plus réduite avec la numérisation, notamment en ce qui concerne le cinéma classique américain. Pour autant, Le Grand Action ne désempli pas et héberge 12 Ciné-Club, souvent liés à des groupes ou des communautés spécifiques : un Ciné-Club scientifique, un Ciné-Club sur le cadrage, un autre sur le cinéma grec par exemple. Reste alors à Victor de négocier avec les distributeurs les films projetés, même si parfois les organisateurs du Ciné-Club s’occupe de ce volet des séances. Il cite par exemple le Ciné-Club dédié au cinéma grec, pour lequel les copies sont importées de Grèce par le réseau des spectateurs et organisateurs. Victor Bournerias conserve cependant son rôle de conseiller, guidant chaque Ciné-Club dans l’invitation des intervenants, aiguillant sur les films à voir et sur la possibilité d’y accéder. En outre, le programmateur adjoint explique que les Ciné-Club sont l’occasion pour les spectateurs de découvrir Le Grand Action, et donc d’y découvrir sa programmation et d’y revenir. Par effet domino, une partie du public se fidélisera.

Le sujet de la fidélisation du public, Pierre Magne l’a abordé au travers de son Ciné-Club Jeunes Cinéphiles lancé dans le cadre du fonds « jeunes cinéphiles » du CNC. Ayant réuni une vingtaine de jeunes âgés de 15 à 25 ans pour travailler notamment sur la réalisatrice japonaise Kinuyo Tanaka, Pierre Magne s’est rendu compte que cette action permettait de faire rayonner le cinéma auprès des proches des étudiants : en se rendant aux séances, ils sont accompagnés de leur famille, de leurs amis, ils en parlent à l’école. Le résultat ne ment pas : alors que l’action est reconduite pour une deuxième saison, 32 jeunes ont répondu présents. Et si le fonds « jeunes cinéphiles » est incertain pour cette nouvelle saison, le Ciné-Club perdurera avec les moyens disponibles.

De même, Ramiro Ledo Cordeiro explique à son tour fonctionner sans soutien pour animer son Ciné-Club en Espagne. Exploitant de métier, il avait animé un premier Ciné-Club lorsqu’il était à l’université, avant de retenter l’aventure vingt ans après, avec les mêmes méthodes qu’à l’époque : sans soutien de la part d’institutions nationales pour les salles, il fonctionne sur les sorties d’autres Ciné-Club et les archives des cinémathèques et des associations, ainsi qu’avec des circuits parallèles, pour montrer différents types de films. Il précise que la numérisation complique l’accès aux copies pour les exploitants. Il détaille ensuite le travail éditorial mis en place pour attirer et faire évoluer son public : Ramiro Ledo Cordeiro travaille avec des associations et des cinémas partenaires, propose des animations et des sorties récentes pour rajeunir ses spectateurs et en attirer plus.

Manon Kerjean, créatrice du Ciné-Club « Lost in Frenchlation », est également concernée par la question éditoriale, tant son Ciné-Club organise d’événements en lien avec sa programmation. Lancé avec 2015, son rendez-vous hebdomadaire dédié aux non-francophones, avec des projections de films français sous-titrés en anglais, a attiré depuis sa création 45 nationalités différentes et environ 25 000 spectateurs pour 280 oeuvres projetées. Celles-ci sont souvent des œuvres récentes, en 3e ou 4e semaine d’exploitation, mais le cinéma de patrimoine est aussi mis à l’honneur. Les « Lost in Frenchlation » inauguraient ainsi en 2019 un volet Classics.

Et après un tour de table complet, il apparait que le problème principal que rencontrent les panelistes est celui de l’accès aux archives : les passerelles ne sont pas naturelles pour y accéder explique Victor Bournerias, et toutes les institutions ne sont pas disposées à prêter leur matériel. Ce à quoi Eric Le Roy de la FIAF, présent dans le public, a répondu que le problème vient souvent des copies déposées au titre de dépôt légal, qui ne peuvent pas sortir. Essayant au maximum de prêter ses copies à ceux qui le demandent, il valorise le don de copie de la part des ayants droits, qui facilitent le partage de matériel. « Les films ne sont pas dans les collections pour dormir sur des étagères » résume-t-il.

Le sujet de la rémunération a aussi été soulevé par les intervenants, lesquels évoquent des budgets manquant pour les Ciné-Club, ce qui rend difficile le travail de médiation et l’éditorial mis en jeu pour chaque séance. Une problématique pour l’instant laissée sans réponse.

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