Marée noire et colère rouge

16 mars 1978. Le pétrolier supertanker Amoco Cadiz s’échoue sur les récifs, au large de Portsall, petit port du Finistère Nord. Des dizaines de milliers de tonnes de pétrole brut se déversent sur la côte.

Réné Vautier est né en 1928 à Camaret-sur-mer, dans le Finistère, à une trentaine de kilomètres à vol d’oiseau de Portsall, là où l’Amoco Cadiz allait s’échouer cinquante ans plus tard, provoquant l’une des plus importantes catastrophes écologiques de l’Histoire. À 16 ans, il s’engage dans la Résistance. Après la guerre, il entre à l’IDHEC, section réalisation, et en sort diplômé en 1948. Deux ans plus tard, son documentaire Afrique 50, premier film anticolonialiste français,lui vaut une condamnation à un an de prison – le film sera interdit pendant plus de quarante ans. S’ensuit une vie et une carrière de combats et d’engagements, entre France et Afrique. Et lorsqu’il fonde en 1970 l’Unité de Production cinématographique Bretagne, c’est pour « filmer au pays ».

C’est dans ce cadre que, caméra au poing, il réalise Marée noire et colère rouge. René Vautier décide de filmer en direct la colère du peuple breton, riverains, pêcheurs, élus, mais aussi les enfants et adolescents, toute une population que les autorités n’écoutent pas. Entre les images de ressac huileux et de faune engluée de mazout, il dénonce les décisions dérisoires, les campagnes d’information mensongères, la toute-puissance des pétroliers, les intérêts financiers.

Prix du meilleur documentaire au Festival de Rotterdam en 1978, Marée noire et colère rouge demeure une des grandes œuvres du cinéma engagé, tout en restant malheureusement d’actualité, au vu des derniers naufrages : « Projeté auprès des populations concernées, Espagnols, Inuits du Nord-Canada, le film a non seulement permis la mobilisation des riverains, pêcheurs, agriculteurs, citoyens et politiques, mais il a également servi de témoignage à l'égard des tribunaux, en instituant le principe "pollueurs = payeurs". Film militant, didactique, mais toujours politique, Marée noire et colère rouge est, comme nous y a habitué René Vautier depuis soixante ans, polémique. Poil à gratter cinématographique, Vautier l'irremplaçable, l'unique, le franc-tireur du cinéma français a toujours fait œuvre utile. » (Robert Grélier, Jeune Cinéma n°333/334, automne 2010)